La diplomatie est un art qui reste abstrait pour le commun des mortels. Elle a des règles précises et complexes se traduisant dans un langage codé où les mots peuvent tout aussi bien dire la chose que son contraire. C'est la rhétorique au service des intérêts, destinée aux seuls initiés. Parallèlement, le choix des émissaires, des négociateurs et autres canaux de pourparlers est presque aussi important que le message transmis. Un modèle de communication et d'échanges diplomatiques est offert par le «différend» (pour ne pas dire crise, langage diplomatique oblige) entre Alger et Washington sur la liste des pays à risques établie par les Etats-Unis. L'Algérie, figurant parmi les quatorze pays, exprime sa déception et son mécontentement. L'ambassadeur américain à Alger est convoqué, la mécanique diplomatique se met en branle accompagnée et relayée par les médias et la société civile. Rapidement (en moins de quinze jours), Washington réagit en envoyant la sous-secrétaire chargée des affaires du Proche-Orient au département d'Etat et ancienne ambassadrice à Alger, Mme Janet Sanderson. Elle est accueillie, entre autres, par le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci. Il y a eu «de bonnes discussions», selon Medelci, entre les «belligérants». Les résultats communiqués à la presse sont conformes aux attentes : codés, complexes et d'usage interne avec comme toile de fond une même vision stratégiques et une coopération bilatérale au beau fixe. Quoi de neuf sur la position américaine concernant la demande algérienne de rayer le pays de la liste incriminée ? A question simple, réponse claire obscure. Mme Sanderson, qui se dit consciente de la position du gouvernement algérien, déclare : «Il y aura quelques changements dans la liste» ?! Quels changements ? Toucheront-ils l'Algérie ? L'émissaire de Washington n'en dira pas plus, sauf pour vanter le mérite d'un pays qui a payé un lourd tribut dans la lutte contre le terrorisme. En langage courant, cela s'appelle noyer le poisson et pratiquer la douche écossaise. C'est caresser dans le sens du poil pour faire passer la pilule. Cette dernière a-t-elle été gobée ? Le ministre des AE, M. Medelci, «réaffirme» le refus de l'Algérie de subir la «politique de deux poids, deux mesures» qui caractérise les méthodes adoptées par certains pays pour lutter contre le terrorisme. Comme la missive de Mme Anderson n'apporte pas de garantie que l'Algérie soit supprimée de la liste «noire», c'est M. Medelci qui rassure : «Nous avons enregistré que la coopération bilatérale progresse dans le bon sens, que ce soit au plan économique ou sur des questions d'intérêt commun, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme» en faisant valoir la «confiance» qui caractérise les relations entre les deux pays. Finalité : échange de courtoisies, de belles paroles et coopération ont presque réussi à diluer le nœud gordien du problème. Pourtant, la question posée est claire : pour les Etats-Unis, l'Algérie est-elle un partenaire ou une cible dans la lutte antiterroriste ? Un oui ou un non suffirait à répondre. S. A.