Photo : S. Zoheir Par Mohamed Rahmani Chercher à se cultiver dans cet environnement désertifié où le mot culture est «dépassé» et déclassé est devenu pour tous les amoureux des arts et des lettres un parcours du combattant. La culture partie vivre sous d'autres cieux où elle est adulée et recherchée n'est pas près de revenir au vu du traitement qu'elle a subi, et subit encore dans nos contrées. Silence ! On ferme à tout bout de champ, salles de cinéma cinémathèques, espaces culturels transformés et défigurés, concerts de musique renvoyés sine die, peinture, sculpture assimilées parfois à des blasphèmes ont disparu. Les quelques rares manifestations dites culturelles «encadrées» au sens propre et au figuré et censées relancer la création artistique ne dépassent pas le seuil de l'espace réservé et du temps «chronométré». Il faut dire que les mentalités qui avaient évolué pendant une certaine période et avaient stimulé tout un mouvement culturel produisant des Benhadouga, des Mimouni, des Ouettar, des Yasmina Khadra et bien d'autres encore ont très vite dégénéré pour s'étioler et se scléroser parce qu'un courant obscurantiste avait embrigadé toute une société. Aujourd'hui, les rescapés du «désastre» sont allés vivre ailleurs, là où l'on reconnaît leur talent. Pour les autres, tous les autres, c'est l'enfer au quotidien. La dégradation a tout gagné : environnement immédiat, comportement, style de vie, voisinage, mœurs, mentalité et puis et surtout sur le plan culturel. Ceux qui avaient été élevés et qui se sont élevés aux préceptes d'une culture autrement supérieure sont en quelque sorte dépassés par une réalité qu'ils vivent très mal parce que ne pouvant pas s'intégrer dans cet environnement où ils ne peuvent se reconnaître. Ils continuent, alors, à essayer de se raccrocher aux principes qu'ils défendent tout en refusant cette réalité amère. Continuer à se cultiver dans ces conditions et dans cet environnement est assimilé à l'action de Don Quichotte combattant les moulins à vent ; ce qui est fort appréciable, c'est que ces «rescapés» résistent contre vents et marées et persévèrent dans leur quête de culture, une quête du «Graal» qui perdure mais qui leur fait le plus grand bien. On va chercher sa dose culturelle quotidienne, non pas à la librairie du coin transformée ces derniers temps en commerce «multiple» mais plutôt du côté d'Internet où l'on accède aux sites dédiés à la culture. On télécharge de la musique, on consulte sur la bibliothèque numérique mondiale quelque ouvrage, on admire les tableaux d'un peintre connu, on entame des discussions avec un autre internaute à l'autre bout du monde, on échange des idées, des connaissances sur telle ou telle œuvre artistique. Vienne, son Orchestre philharmonique et son concert du Nouvel An sont très loin mais on y assiste quand même via les retransmissions télévisées, on se délecte du Beau Danube bleu, on est transporté dans cette atmosphère toute particulière. Puis, on revient à ses bonnes vieilles lectures, ces livres où l'on retrouve toute sa jeunesse et cette soif de connaissance qui caractérise cette période de la vie. Alors, on y replonge et on s'y adonne à fond pour s'évader et oublier cet environnement désolé et la ruine de tout un système culturel qui, jadis, avait donné et produit. Notre culture et ses hommes portés aux nues, il y a quelque temps, sont, de nos jours précipités dans l'abîme de l'ignorance et de l'inculture. Mais, comme on dit la roche Tarpéienne est proche du Capitole.