L'émir Abdelkader a posé les fondements de l'Etat moderne algérien en recourant aux deux moubayaas (allégeance), ont relevé hier à Alger les participants à la deuxième journée du colloque international sur «la symbolique de la moubayaa chez l'Emir Abdelkader». Spécialiste de l'œuvre majeure de l'Emir Abdelkader, les Positions, le Dr Mahfoudh Smati a souligné dans son approche comparative entre «la moubayaa» et le suffrage universel moderne que la moubayaa se distingue par son caractère public, en ce sens, a-t-il expliqué, que le citoyen «prête allégeance publiquement» à l'autorité qu'il a choisie. Il a indiqué dans le même cadre que celui qui prête allégeance ne peut se démettre de son engagement d'où, a-t-il relevé, le caractère sacré de l'adhésion à l'autorité qui se propose et la nécessité de respecter le pacte scellé. S'interrogeant sur le contexte ayant entouré «la moubayaa» de l'Emir Abdelkader, le Dr Smati a estimé que «le peuple algérien n'était pas préparé à ce genre de gouvernance». «Il [le peuple algérien] a longtemps vécu sous l'autorité des royaumes coupés de cette pratique [la moubayaa]», a-t-il expliqué. C'est ainsi qu'il a souligné que la «moubayaa» de l'Emir était «spontanée», ajoutant que l'Emir avait demandé une deuxième «moubayaa» en guise de «confirmation» de son autorité. Il a énuméré, ensuite, les réalisations de l'Emir dans son œuvre d'édification de l'Etat algérien, citant la formation d'une armée de métier, la transformation de l'allégeance à la tribu en allégeance à la nation, sa tentative de création d'un embryon d'industrie militaire, l'enseignement et la justice. Le Dr Mohamed Cherif de l'université Abdelmalek Saadi de Tétouan (Maroc) a traité, de son côté, l'aspect «sacré» de la «moubayaa», dans son intervention intitulée «la dualité de l'allégeance et la destitution dans l'histoire du Maghreb, entre le devoir légitime et les considérations politiques». Il a cité, dans ce cadre, l'exemple de la prise de la ville de Fès, en 1548, par Mohamed Cheikh Saadi des mains des «Wattassides» et son admission dans le giron de la dynastie saadienne. Le Dr Cherif a indiqué à ce sujet que le refus du Cheikh Mohamed El Ouancharissi, un homme de science connu à cette époque, de prêter allégeance à la nouvelle autorité, du fait qu'il avait participé à «la moubayaa» des Wattassides, ainsi que sa fin tragique illustrent, a-t-il souligné, le caractère sacré de la moubayaa. «Les hommes de science n'ont pas toujours prêté allégeance aux souverains au Maghreb et souvent au prix de leur vie», a-t-il relevé. Le chercheur algérien dans le domaine du «soufisme», le Dr Zaim Khenchlaoui, a traité, pour sa part, la symbolique de «l'arbre» dans les religions et les civilisations humaines, pour illustrer la signification, à la fois religieuse et temporelle, de la moubayaa de l'Emir Abdelkader sous l'arbre du «dardera» (frêne). «L'arbre se trouve dans un rituel universel», a-t-il dit, ajoutant que, dans le Coran, l'arbre est cité plus de 60 fois. Il a souligné en outre que «l'Emir Abdelkader voulait marquer, à travers le rituel de la moubayaa, sa rupture avec le monde injuste et en déclin qui régnait à cette époque». «Il [l'Emir] avait une conduite supérieure et un humanisme immuable», a-t-il ajouté. «Il était un soufi accompli qui croyait que le pouvoir est illusoire», a-t-il poursuivi. C'est ainsi que le Dr Khenlaoui a souligné que «l'Emir était le promoteur du soulèvement universel pour la liberté et le respect des droits de l'Homme». APS