De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar En ce début 2010, les prix du sucre ont atteint des records sur le marché mondial. Les spécialistes invoquent les conditions météorologiques défavorables qui sévissent dans de nombreux pays producteurs -comme le Brésil et l'Inde, notamment- pour justifier cette brusque restriction de l'offre. Le climat n'est pas le seul responsable, puisque d'autres analystes parlent aussi de l'usage de la canne à sucre et de la betterave sucrière dans la production des biocarburants. Voilà les deux facteurs essentiels à l'origine du renchérissement de cette denrée alimentaire qui constitue un ingrédient de base de l'industrie agroalimentaire. Les exportations de l'Union européenne (UE) en la matière, qui sont d'ordinaire plafonnées à 1,34 million de tonnes de sucre subventionné, ont été temporairement revues à la hausse à travers un quota supplémentaire de 500 000 tonnes. Cette première réaction pour contenir la crise naissante reste cependant insuffisante pour calmer l'inquiétude des marchés. L'Algérie, qui compte parmi les 10 premiers importateurs de sucre au monde, fait face, depuis fin décembre, à cette exceptionnelle pénurie. La consommation annuelle de sucre dans notre pays dépasse le million de tonnes avec une moyenne de l'ordre de 24 kilogrammes par habitant et par an. Le prix du sucre sur le marché local, variant habituellement entre 55 et 60 dinars le kilogramme, s'est établi depuis le début de l'année en cours à 90 dinars. Les consommateurs se plaignent de cette cherté. La tourmente gagne également les artisans et les industriels. Les pâtissiers sont les premiers à ressentir tout le poids de cette augmentation substantielle. A Béjaïa, les fabricants de friandises et autres pâtisseries ont conséquemment élevé leurs prix. «On ne peut faire autrement. Cela nuit bien évidemment à notre clientèle qui se réduit, mais on est obligé de revoir nos tarifs pour ne pas baisser rideau», explique Hadj Smaïl, un spécialiste en pâtisserie orientale bien connu dans la vieille ville. Pour notre interlocuteur, cette hausse s'est imposée d'elle-même et on se doit de faire avec pour résister à cette conjoncture difficile. Les tenanciers de cafés et de salons de thé résistent aussi. Même s'ils maintiennent pour le moment les anciens tarifs, ils n'excluent pas la possibilité d'une révision des prix si la crise venait à perdurer. Le marché local des boissons gazeuses et des eaux fruitées s'en est vivement ressenti aussi. Les grossistes et les détaillants de boissons sucrées ont légèrement revu leurs prix à la hausse. La bouteille d'un litre de Coca-Cola, Pepsi, Hamoud ou Ifri est déjà majorée de 5 dinars. Habituellement proposés à 45 dinars la bouteille, ces rafraîchissements affichent 50, voire 55 dinars. «Le sucre est un composant de base dans la production de ce type de breuvages. Le prix de cette matière essentielle influe directement sur le prix de revient», constate Mohamed, un petit limonadier de la localité de Tichy, sans donner plus de détails. D'autres industriels que nous avons contactés préfèrent temporiser pour connaître l'ampleur de la crise avant de se prononcer. Chocolatiers, biscuitiers et producteurs de produits laitiers, qui utilisent de grandes quantités de sucre, s'apprêtent à aligner leurs prix sur cette nouvelle donne, quitte à réduire le volume de leurs activités. Faute d'une culture locale de canne et de betterave à sucre, l'industrie sucrière nationale -aussi bien publique que privée- dépend totalement des matières premières étrangères. Des essais agricoles, initiés durant les années 1960 et 1970 dans la région de Chlef, ont été jugés peu concluants. Depuis, on a complètement délaissé la filière au profit du raffinage de sucre roux (matière première) provenant du Brésil, de Cuba, de Thaïlande et de l'Union européenne.