Photo : Sahel De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Les intervenants directs activant dans le domaine du bâtiment, leurs intermédiaires et sous-traitants et les professionnels de la production et de la transformation d'agrégats dans la wilaya de Tizi Ouzou sont totalement soumis à un marché «des plus instables» qui entament énormément leurs efforts de réalisation de programmes, de respect des délais de livraison de projets de chantiers, et de calendrier établi avec leurs différentes clientèles. Les «crises» du ciment sont répétitives et la qualité des agrégats acquis auprès de «dépositaires fantoches» est remise en cause et, dans ce cas, les normes de construction sont ainsi bafouées. Une situation délicate qu'aggravent actuellement les «effets inverses et désastreux», au double plan environnemental et qualité des ouvrages, qu'a produits la décision de proroger la fermeture des sablières agréées dans la région, à l'effet avoué de protéger l'oued Sebaou, objet d'agressions multiples, notamment depuis le début du phénomène du terrorisme et, tout récemment, les événements du «printemps noir» en 2001. «Mettez-vous à notre place, personne ne saura quoi faire face à cette situation ; dès que la cimenterie X stoppe sa production, le lendemain la cimenterie Y ou Z ferme à son tour, dans une sorte d'enchaînement volontaire. Il n'est pas évident de ne pas douter que cette rupture subite de la production ne soit pas provoquée pour dérégler le marché», se plaint M. Rachid Aït Mokhtar, responsable d'une entreprise de bâtiment privée, spécialisée dans les centrales à béton et sablières à Azazga. Selon ces «victimes», même si les raisons de ces récurrentes interruptions de la production de ciment au niveau des cimenteries de Sour El Ghozlane (Bouira), Meftah (Blida) et M'sila ne sont pas connues généralement des premiers concernés qui ne sont pas tenus au courant par les directions des cimenteries des déprogrammations à l'improviste, leurs conséquences sont cependant visibles à tous les niveaux des besoins de projets en cours. «Le marché du ciment n'est pas stable, on ne peut pas faire confiance à l'offre existante ces temps-ci sur le marché, elle change d'une semaine à l'autre et se répercute négativement sur nos programmes de travail arrêtés pour une période allant de 20 à 30 jours ; dans notre métier, nous dépendons de la disponibilité des agrégats et du ciment et ceci complique davantage nos rapports avec la clientèle, qui n'est pas, bien sûr, contente quand on annule ou on reporte par exemple une livraison de béton préparé», constate-t-il. La fermeture «temporaire» des cimenteries engendre aussi des «surcoûts importants». «Ce n'est pas tant le prix du ciment à l'achat qui pose problème, c'est surtout l'immobilisation des camions de transport au niveau des cimenteries pendant plusieurs jours dans l'attente du redémarrage de la production. On ferme ces usines sans préavis et nous payons ces agissements, qui induisent des retards, de nos poches, ce n'est pas normal ! Des entreprises et des particuliers louent leurs moyens de transport à partir de ces usines et se retrouvent à attendre pendant des jours la reprise des activités. Dans ce cas, le transport revient plus cher que le ciment et le détaillant augmente logiquement le prix au même titre qu'au niveau des centrales à béton», dénonce M. Aït Mokhtar. D'autre part, la disponibilité du ciment n'est pas synonyme de règlement des problèmes dans le bâtiment à Tizi Ouzou. En effet, la décision de fermer les sablières de la wilaya de Tizi Ouzou pour cause de dégradation de l'environnement et des cours d'eau, trop sollicités depuis une vingtaine d'années, a produit des «effets contraires», selon des intervenants dans le secteur. Cette solution ne serait pas la bonne, lancent-ils. «Tout d'abord, il faudra souligner que, même au temps du fonctionnement des sablières, il y avait un manque d'agrégats parce que la demande a augmenté, s'est rapidement multipliée ces dernières années et cette situation a été alourdie par la fermeture des sablières», soutient-on. «La fermeture des sablières a, au contraire de ce qui a été rapporté à ce sujet, porté atteinte à l'environnement et à la qualité des agrégats proposés ; le marché de l'extraction illicite de sable a explosé depuis la mise en veilleuse des sablières», affirme-t-on. Les entrepreneurs s'approvisionnent au noir en agrégats non lavés et non traités, «autant dire alors que la fermeture des sablières agréées a favorisé la destruction de l'environnement des cours d'eau de la wilaya de Tizi Ouzou et est responsable aussi de la dégradation de la qualité du béton», relève le même responsable qui parle du retour de la corruption «tacite» dans le domaine de l'extraction illicite du sable parmi des éléments des services de sécurité et des intervenants au noir dans les lits de rivière. «Allez voir au pont de l'oued de Sidi Naamane, à l'ouest de Tizi Ouzou, entre 18 heures et 19 heures, le nombre d'engins qui effectuent la navette avec des chargements de sable, avec le silence et la complicité d'entrepreneurs et des autorités», nous dira un entrepreneur. Il estime que les sablières agréées ne portent pas atteinte à l'environnement parce qu'elles sont équipées de concasseurs. «Même quand il n y pas de sable fin dans la rivière, les sablières concassent la pierre qui donne des agrégats de qualité», soutient-il.