Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les handicapés moteurs de la wilaya de Constantine se démènent comme ils peuvent pour exister sans exclusion de quelque nature qu'elle soit dans une société minée par le rejet d'autrui. Ils ne demandent pas la lune. Ils ne veulent pas des voyages, des faveurs ou un traitement privilégié. Loin s'en faut. Cette frange désavantagée de la population réclame une oreille attentive et une prise en charge effective de leur maux et problèmes afin d'être autonome et indépendante, une situation qui permettra à tous les handicapés de se sentir citoyens à part entière, ayant leur dignité, leurs droits et leurs devoirs. Et cela passe inéluctablement par une insertion professionnelle. Cependant, entre le décret relatif à l'enrôlement des handicapés et son application sur le terrain, il y a un fossé, un vide. Sinon, comment expliquer que le 1% des postes d'emploi devant être réservé aux infirmes, comme stipulé par la réglementation, ne soit pas exploité à son optimum, et soit mêmeignoré.A Constantine, on dénombre près de 3 000 handicapés, dont 920 au chef-lieu. Ils sont inscrits dans sept associations réparties sur sept communes. Deux de ces associations regroupent aux côtés des handicapés moteurs d'autres catégories de défavorisés et marginaliséss notamment dans les municipalités de Didouche Mourad et de Benziad. «On ne revendique pas de traitement de faveur. On voudrait tout simplement que les pouvoirs publics locaux prennent le soin de consacrer un peu de leur temps pour apporter une contribution quant à l'insertion de cette ‘‘petite société''», devait nous dire M. Boukebab, président de l'Association des handicapés moteurs de la wilaya de Constantine, opérationnelle depuis 1995, qui insistera sur le fait que les défavorisés recensés à travers la circonscription sont dotés de facultés certaines et sont pour la plupart des diplômés qui ont leur place dans différentes structures. Malheureusement, déplorera-t-il, «lorsque l'on examine le dossier d'une personne handicapée et que l'on tombe sur la carte d'invalidité ‘‘on tique''. Ce qui exclut l'intéressé d'un éventuel recrutement professionnel». C'est pourquoi l'association recommande sans cesse une sensibilisation qui devra être, en premier lieu, menée par les responsables de la ville. «De la sorte, le droit du handicapé ne se perdra pas», dira le président. Pour rester dans le domaine de l'enrôlement des handicapés, un projet pilote est mis sur les rails par l'association et la Fédération nationale des handicapés moteurs. Ledit projet vise à détecter les desseins et les envies de ces personnes en matière de choix d'activités. Ainsi, des questionnaires et des tests psychotechniques leur seront soumis par des pédagogues et des cliniciens en vue de mesurer les capacités des sujets questionnés afin de les orienter selon leur option et leurs aptitudes.Concernant les handicapés non diplômés, ils pourront choisir les spécialités qu'ils veulent, mais à condition de suivre des cours et des stages de formation que leur assureront parallèlement d'autres associations caritatives telles qu'Iqra à titre d'exemple. De surcroît, il faut souligner que les handicapés moteurs sont concernés par les différents dispositifs d'emploi mis en place par l'Etat comme l'Agence nationale pour le soutien de l'emploi des jeunes (ANSEJ) pour ne citer que celle-ci. Toutefois, il ne leur est pas toujours facile de constituer les dossiers nécessaires pour obtenir les aides et les soutiens accordés dans le cadre de ces dispositifs, et cela parce qu'ils doivent passer ce parcours du combattant qu'est la bureaucratie qui rajoutera à leur handicap d'autres handicaps que même les personnes valides arrivent difficilement à dépasser. «On ne demande pas la charité. On ne veut pas de la charité. Qu'ils nous accordent la même considération que les personnes valides et nous proposent du travail. C'est le vœu de chaque handicapé», soupire M. Boukebab. L'année en cours verra un nouveau programme voué spécialement à l'insertion économique et sociale de cette frange de la population. Jusqu'à présent 12 handicapés sont sur le point d'en bénéficier, en attendant l'élargissement de l'offre pour laquelle l'association tente de gagner davantage. En perspective, à court terme, le président fera part d'un recensement prochain de tous les établissements comptant des travailleurs ou écoliers handicapés et dont les aménagements ne sont pas appropriés pour leurs déplacements. «C'est un travail qui se fera en collaboration avec des communes en vue de revoir la copie des structures qui ne facilitent pas le déplacement des personnes handicapées», explique notre interlocuteur qui mettra en exergue l'absence d'aires de stationnement et de rampes d'escalade, la non-conformité des trottoirs, la mauvaise disposition des panneaux publicitaires, arbres et autre mobilier urbain (cabines téléphoniques, Abribus, vespasiennes…) qui, si pour une personne valide elles sont contournées allègrement sans même qu'on s'en rende compte, constituent pour un handicapé de véritables obstacles. Cela sans parler de ces marchandises qui débordent sur les trottoirs, obstruant le passage aux piétons, lesquels sont obligés de descendre sur la chaussée, ce qui n'est pas aussi aisé pour un handicapé. Sur un autre plan, l'association dont nous avons parlé a créé sa propre auto-école depuis 2006 et a délivré une centaine de permis de conduire pour handicapés moteurs. Mais ces conducteurs requièrent des espaces aménagés pour leurs véhicules. S'agissant des budgets destinés à ces multiples associations, on apprend que la seule subvention est octroyée annuellement par la wilaya et elle est tout simplement ridicule : 100 000 dinars. Heureusement, il y a de généreux donateurs qui n'hésitent pas à mettre la main à la poche. En 2009, l'association avait bénéficié d'une aide de 480 000 dinars de l'opérateur Mobilis . En attendant que les pouvoirs publics fassent preuve de plus de générosité et d'attention, les handicapés moteurs cherchent encore et toujours un emploi. «Un travail et pour le reste on se débrouillera», dira le président en guise de conclusion. Une revendication qui en dit long sur le rude quotidien de ces personnes marginalisées.