La proposition de loi criminalisant le colonialisme n'a pas laissé indifférente la classe politique française, au sein de laquelle elle a suscité une condamnation» et des appels à dépassionner le débat, et départage le gouvernement. Alors que le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, juge «prématuré» toute réaction à cette proposition, arguant que le gouvernement algérien n'a pris aucunement position, le ministre de l'Identité nationale et de l'immigration, Eric Besson, a exprimé son «regret». «L'exécutif algérien n'a aucunement pris position sur cette proposition, son inscription à l'ordre du jour n'est donc pas certaine, car c'est le gouvernement algérien qui en a la maîtrise exclusive», a-t-il souligné devant l'Assemblée nationale française. «Aurait-il donc fallu que la France réagisse dès maintenant à un projet qui n'est encore qu'en phase de conception et qui ne fait l'objet d'aucun soutien de la part des Algériens ? Cela me semble prématuré», a ajouté le ministre. «Il faut traiter avec sérieux le problème du dialogue et de la mémoire», a-t-il dit, en rappelant l'intention de la France de créer une fondation sur la mémoire de la guerre d'Algérie, dont la mission sera «de collecter avec rigueur et objectivité tous les témoignages, sans rien occulter». Le ministre français de l'Identité nationale et de l'Immigration, Eric Besson, de son côté, a estimé sur RMC : «Je regrette cette proposition de loi qui risque d'enflammer les relations entre les deux pays. Nous avons besoin de dépasser ce débat, sans l'oublier. Ce serait malvenu.». Le ministre a rappelé qu'il s'agissait d'un «sujet sensible» alors qu'il reste «encore des cicatrices», ajoutant toutefois, qu'«il ne faut pas oublier la colonisation et la post-colonisation». Les débats à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la ratification de la convention algéro-francaise, qui ont été également marqués par le sceau de la proposition de loi des députés algériens «criminalisant le colonialisme français en Algérie de 1830-1962», ont divisé les députés, entre ultras qui réclamaient le report de la ratification, d'un côté, et ceux du PS et du PCF qui ont voté pour la ratification, de l'autre côté. «Nous avons été plus que troublés par la prise de position inacceptable de députés algériens», s'est indigné le député Jacques Remiller (UMP, majorité de droite), tout en estimant que «cet énième soubresaut de l'Histoire ne doit pas entacher sur le fond la volonté commune de travailler ensemble». Pour le député UMP Thierry Mariani, qui a voté contre la ratification de la convention, le texte algérien est une insulte aux «rapatriés qui ont vécu au milieu du peuple algérien jusqu'en 1962», ainsi que pour «l'ensemble de ceux qui ont servi en Algérie sous le drapeau français, les harkis, les militaires professionnels, les appelés du contingent, qui se sentent méprisés et qu'on injurie une nouvelle fois». D'un autre côté, le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, a estimé qu'«il faut dépassionner le débat et regarder cette convention à l'aune de l'intérêt des peuples français et algérien». Il sera rejoint par le socialiste Bernard Derosier qui a lui aussi espéré que le gouvernement français ait «la sagesse de ne pas écouter les ultras» qui réclamaient le report de la ratification. Le député a aussi jugé «malvenue» l'inscription par Paris de l'Algérie sur une liste de pays à risque dans les transports aériens. «Il ne s'agit pas de battre sa coulpe mais de reconnaître les vérités historiques des méfaits du colonialisme», a déclaré le communiste François Asensi (PCF). Un député du parti socialiste, Arnaud Montebourg, avait, pour sa part, considéré la proposition du Parlement algérien comme une réponse à son homologue français auteur de la loi sur «le rôle bénéfique de la colonisation». «C'est la réponse du berger à la bergère de la loi sur la colonisation de 2004, a-t-il estimé. Nous n'avons pas à nous étonner qu'un pays fasse la même chose que nous en sens contraire. Nous payons la facture du fait que la France a refusé d'apaiser son propre passé.» Allusion directe aux nombreuses demandes de repentance sur les crimes de l'occupation française en Algérie, refusées par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. A. R.