Synthèse de Hassan Gherab Après avoir été au centre de plusieurs polémiques et critiques sur la pertinence et le bien-fondé de ses études et prévisions sur le réchauffement climatique, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), qui est rattaché à l'Organisation des nations unies (ONU), est aujourd'hui au centre d'un débat contradictoire. Certains scientifiques qui ont contribué à ses travaux plaident pour une profonde réforme du GIEC. Dans une tribune publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature et intitulée «Le GIEC, faut-il le révérer, le transformer ou le supprimer ?», cinq scientifiques exposent plusieurs propositions visant à faire évoluer ce groupe d'experts climatiques mondial. Eduardo Zorita, du centre de recherche GKSS, en Allemagne, estime que le GIEC occupe «un espace flou entre la science et la politique». «Tout comme le secteur financier l'an dernier, le GIEC connaît actuellement un déficit de confiance qui révèle des défauts dans sa structure», écrit M. Zorita. Il ajoute que le GIEC, dont les membres conservent habituellement leur emploi d'origine, devrait être non pas supprimé, mais remplacé par une «Agence internationale du climat» indépendante avec un personnel de 200 personnes. Il souligne que l'Agence internationale de l'énergie atomique, la Banque centrale européenne et le Bureau du budget du Congrès américain montrent qu'il est possible d'être indépendant et respecté. D'autres experts estiment qu'un des problèmes est que le GIEC ne produit ses principaux rapports qu'une fois tous les six ans. Le dernier, paru en 2007, résumait en 3 000 pages environ le travail de 2 500 experts. John Christy, de l'Université de l'Alabama aux Etats-Unis, suggère un débat ouvert via la création d'une sorte de «Wikipedia-GIEC», une encyclopédie vivante, constamment réactualisée sur Internet et dont les chapitres seraient supervisés par des groupes de quatre à huit experts. Cela permettrait de refléter au mieux «l'hétérogénéité des points de vue scientifiques». Pour Mike Hulme, de l'Université d'East Anglia, en Angleterre, il faudrait des rapports courts, revus par des pairs, qui pourraient porter notamment sur le recours à des droits de douane sur le carbone et sur les moyens de freiner la déforestation ou de limiter les émissions de suie qui peuvent, en noircissant la glace de l'Arctique, lui faire absorber davantage la chaleur et la faire fondre plus rapidement. Prenant pour argument les lacunes du GIEC dans la vérification de ses sources concernant les glaciers de l'Himalaya qui pourraient fondre d'ici à 2035 -ce qui constitue une exagération considérable du dégel-, M. Hulme dira que ces événements tendent à prouver que la structure et les procédures du GIEC sont «périmées». Aussi suggèrera-t-il de le dissoudre, après la publication de son prochain rapport en 2014, puis de créer trois entités distinctes respectivement chargées des connaissances scientifiques, des impacts régionaux et des réponses politiques possibles. Thomas Stocker, de l'Université de Berne, coprésident de l'un des trois principaux groupes de travail du GIEC, défend, en revanche, le fonctionnement du groupe en disant qu'un rapport tous les six ans assure «la robustesse requise pour une évaluation approfondie et rigoureuse». La même position est adoptée par le président du groupe, Rajendra Pachauri, qui insiste sur l'importance d'un «historique d'évaluations transparentes et objectives sur plus de 21 ans, établies par des dizaines de milliers de scientifiques de tous les coins de la planète». Toutefois, si la dissolution du GIEC ne fait pas l'unanimité, tous les scientifiques et experts s'accordent sur la nécessité d'une réforme profonde pour «rétablir la confiance» perdue au cours de ces derniers mois. Créé il y a 20 ans sous l'égide de l'ONU, le GIEC publie tous les six ou sept ans un rapport qui sert de base aux négociations internationales sur le changement climatique. En 2007, l'un de ces rapports lui avait valu un prix Nobel de la paix. Mais depuis quelques années, et tout particulièrement ces trois derniers mois, le groupe est l'objet de critiques concernant la pertinence de ses travaux alors que les coûteuses politiques gouvernementales de lutte contre le réchauffement climatique s'appuient essentiellement sur ses rapports. Pis, certains experts sont même accusés de manipulation de données. Peu de temps avant l'ouverture du Sommet de Copenhague sur les changements climatiques, des milliers de mails échangés par des climatologues réputés ont été publiés sur Internet. Certains d'entre eux, pris isolément, pouvaient laisser penser que des données prouvant un ralentissement du réchauffement climatique auraient été masquées. On parlera de «fuite organisée». De là à dire qu'un conflit d'intérêts entre certains experts minait le travail du groupe, il n'y avait qu'un pas que certains n'ont pas hésité à franchir. Et le mea-culpa du GIEC concernant son erreur sur la fonte totale des glaciers de l'Himalaya à l'horizon 2030 n'a fait que conforter la position de ceux qui demandent sa tête et plaident pour sa dissolution. Entre réforme et dissolution du GIEC, la voie médiane serait d'avoir un outil d'évaluation complémentaire. En effet, un autre article de Nature décrit un nouveau cadre d'évaluation du changement climatique tendant à améliorer les scénarios utilisés jusqu'ici par le GIEC qui ne prennent pas en compte l'impact des réductions des émissions, les nouvelles technologies vertes ou les changements de modes de vie. «L'idée, c'est d'avoir toute une bibliothèque de scénarios», a expliqué à Reuters Nebojsa Nakicenovic, de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués. Le rapport de 2007 du GIEC n'utilisait que six scénarios principaux développés après consultation d'experts qui n'étaient pas spécialisés dans le climat. Après des scénarios basés sur la croissance économique, la population ou encore l'énergie, des facteurs tels que les émissions probables de gaz à effet de serre y étaient ajoutés. «Ce processus est trop long» et les scénarios ne peuvent être facilement adaptés avec de nouvelles informations. Un nouveau «processus parallèle» pourrait par exemple évaluer l'utilisation possible d'une technologie d'enfouissement du carbone dans les centrales électriques au charbon ou le passage aux biocarburants.