Les éditions Chihab ont récemment publié un nouveau témoignage sur la révolution algérienne intitulé Afin que nul n'oublie : la bataille de Maison Carrée de Mahmoud Mostefaoui dont le témoignage a été recueilli et rédigé par Idir Azibi. Dans cet émouvant ouvrage, l'auteur retrace son parcours depuis sa prime jeunesse, l'éveil de la conscience révolutionnaire jusqu'à son entrée dans la lutte armée où il devient fidai, chef de groupe et maquisard. L'auteur animera aujourd'hui à 14 h une rencontre- débat au siège de la librairie Chihab autour de la thématique de son livre et du devoir de mémoire Afin que nul n'oublie : la bataille de Maison Carrée est un nouveau pas dans l'écriture de l'histoire de la révolution algérienne car il aborde les combats qui ont été menés dans une partie de la capitale, délaissée par les historiens, en l'occurrence Maison Carrée, aujourd'hui El Harrach. A ce propos, sur le 4e de couverture, l'auteur souligne que «ce modeste témoignage est avant tout un devoir de mémoire envers mes frères de combat : des êtres d'exception qui ont lutté avec panache et sont morts dans l'anonymat, que leurs souvenirs retentissent à travers les générations». Originaire de Dellys, Mahmoud Mostefaoui, quitte cette ville à l'âge de huit ans avec ses parents qui s'installent au quartier PLM de Maison Carrée (El Harrach). Ce quartier, où sont ghettoïsés des Algériens, côtoie les quartiers chics des colonisateurs français. Ainsi, dès sa prime enfance, le jeune Mahmoud est confronté à la dure réalité du colonialisme où sévit la discrimination : «Discrimination dans l'habitat, discrimination à l'école, discrimination dans le travail et discrimination dans l'accès aux soins…» Après avoir été exclu de l'école indigène, le jeune Mahmoud, d'une constitution robuste, entre dans un club de boxe situé au quartier Boumati, sous la houlette de Yousfi Slimane, son gérant, où il va se distinguer par des victoires lors de combats pugilistiques. En parallèle, il travaille au marché couvert d'El Harrach en tant qu'apprenti boucher chez Brahim Bououda. Issu d'une famille de nationalistes, c'est dans ce lieu d'échanges que l'auteur est initié dès 1953 au mouvement de la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. Auprès notamment de ses deux amis marchands de légumes, dont Saïd Kourifa dit Rachid qui sera le premier martyr d'El Harrach en 1956. Ainsi, au fils des pages, le lecteur suit pas à pas la progression de Mahmoud Mostefaoui, de la clandestinité à la guérilla urbaine d'El Harrach et ensuite aux combats dans le maquis, rendant à chaque fois hommage à ses compagnons d'armes. L'écriture est fluide et le témoignage est étoffé par une multitude de détails emportant le lecteur au cœur des combats pour la liberté des «Harrachis» qui se sont hautement distingués et, au-delà, de tout le peuple algérien. Les pages centrales du livre sont agrémentées d'une multitude de photos, de documents et d'extraits de journaux illustrant le parcours du moudjahid algérien et de ses frères de combat. Dans cet ouvrage est également dévoilée une autre facette de la lutte armée qui n'est pas assez mise sur le devant de la scène. Il s'agit en fait du rôle des Algériens enrôlés en tant qu'appelés dans l'armée française et qui, en fait, œuvraient de l'intérieur même du système colonial au profit de la révolution algérienne. Ainsi, Mahmoud Mostefaoui, apporte, entre autres, le témoignage d'une rafle entreprise dans un village où il dut gifler une jeune fille (en tant que militaire français) afin qu'elle détourne ses yeux figés sur une cache des maquisards. Il a aussi abordé l'absurdité du système de l'état civil de l'époque, où des moujahidine ont été déclarés morts alors qu'ils avaient échappé à leurs bourreaux grâce à leur bravoure, à l'instar d'Ahmed Cherif dit El Mastaqdar qui n'a vu sa situation régularisée que plusieurs années après l'indépendance. Pour conclure, citons Mahmoud Mostefaoui qui souligne à propos de la transmission de la mémoire que «ce texte s'adresse aussi aux jeunes qui n'ont pas connu le système colonial, pour qu'il comprennent comment un tel système a fini par pousser des jeunes à peine sortis de l'adolescence à se dresser presque à mains nues contre l'une des armées les plus puissantes à cette époque et qui bénéficiait de surcroît de la logistique de l'OTAN». S. A.