L'assassinat d'El Mabhouh survenu le 20 janvier à Dubai n'en finit pas de révéler ses secrets, suscitant des tensions diplomatiques entre Israël et les quatre pays européens (Grande-Bretagne, Irlande, France et Allemagne) dont les passeports ont été utilisés dans l'opération. Interpol a publié des avis de recherche à l'encontre de onze personnes pour ce meurtre. Jeudi dernier, le chef de la police de Dubai accuse à 99% le Mossad dans l'assassinat. Il entend lancer un mandat d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Vendredi dernier, des journaux britanniques publient des révélations selon lesquelles les Israéliens ont informé leurs homologues britanniques de leur intention d'utiliser des passeports britanniques dans leur action. Les services britanniques sont implicitement accusés de complicité, voire d'encourager le terrorisme israélien. Le gouvernement britannique s'est empressé de nier les révélations de la presse. Mais le fait de ne pas prendre les sanctions qui s'imposent contre l'Etat hébreu confirme les suspicions de connivence. La convocation de l'ambassadeur d'Israël au siège du ministère des Affaires étrangères britannique semble destinée à la consommation médiatique. Le gouvernement britannique a pourtant un passif avec l'Etat hébreu. Ce dernier avait utilisé par le passé des passeports britanniques dans l'exécution d'opérations similaires de terrorisme. En réaction, l'ancien Premier ministre Mme Margaret Thatcher avait expulsé 13 diplomates israéliens. L'actuel Premier ministre Gordon Brown, partisan déclaré d'Israël, ne semble pas vouloir suivre la dame de fer. Les responsables israéliens habitués à l'impunité disent que «c'est une tempête dans un verre d'eau». Israël avait déjà usé de la même méthode avec le Canada et la Nouvelle-Zélande en utilisant des passeports de ces pays dans des opérations similaires (la tentative d'assassinat de Khaled Mechaal à Amman en 1997). Ce terrorisme israélien devient dangereux, pour la simple raison que c'est le fait d'un Etat membre de l'Organisation des Nations unies. Et prétendu seule démocratie dans la région arabe. Mais il est de notoriété que le Mossad israélien se comporte au-dessus des lois, organise des assassinats dans les capitales de pays «alliés» et «modérés», et viole leur souveraineté au grand jour. Les crimes sont exécutés avec l'assentiment tacite des Occidentaux. Cependant, grâce à ses moyens de surveillance, la police de Dubai a pu en moins d'un mois remonter la piste des meurtriers et en accuser ouvertement le Mossad. L'affaire El Mabhouh démontre à l'évidence l'hypocrisie occidentale dans son traitement de la question palestinienne. La lutte contre le terrorisme tant prônée par les capitales occidentales risque fort de se transformer en un sujet grotesque. On ne peut pas participer indirectement au terrorisme israélien et condamner celui d'El Qaïda. Les pays occidentaux dépensent des centaines de milliards de dollars sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme. Mais la crédibilité vient à manquer quand des actions menées par un Etat ne sont pas condamnées, voire sanctionnées. L'affaire El Mabhouh éclabousse aussi l'Autorité palestinienne avec l'implication de deux anciens officiers des services palestiniens. Deux scandales en moins d'une semaine après l'affaire de mœurs de responsables palestiniens révélée par la télévision israélienne. Pour l'instant, l'heure est à la réaction indignée. L'Union européenne s'est déclarée «extrêmement préoccupée» par l'utilisation de passeports européens par les membres du commando du Mossad. Londres, Dublin, Berlin et Paris ont haussé le ton la semaine dernière, en vain pour le moment, face à Israël auquel ils réclament des explications dans l'affaire des passeports. Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes a jugé «inadmissible et pas très amicale» l'utilisation de passeports européens pour couvrir l'assassinat. Son homologue allemand, Werner Hoyer, a estimé l'affaire «très inquiétante». Le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt a déclaré que «le détournement de passeports européens ne peut être toléré». Même topo de son collègue luxembourgeois Jean Asselborn qui a dénoncé vigoureusement le meurtre du responsable du Hamas. «Ce sont des actes qui n'ont plus leur place au XXIe siècle.» D'autres informations sont venues confirmer l'implication d'Israël. Selon le Sunday Times, les auteurs de l'assassinat ont eu le feu vert du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. «Netanyahu a été accueilli début janvier par le chef des services secrets israéliens, Meir Dagan, et informé des projets d'assassinat du responsable du Hamas», révèle le journal. Le Premier ministre israélien a alors donné son feu vert à l'opération «qui n'était pas considérée comme trop compliquée ou risquée», ajoute le journal. L'ancien ministre de la Défense israélien a révélé que les opérations menées par le Mossad «doivent obtenir l'aval du seul Premier ministre». Les pays occidentaux se préparent à imposer des sanctions économiques contre l'Iran sur la base de suspicions. Le Hamas est considéré comme un mouvement terroriste alors qu'il n'a exécuté aucune opération militaire en dehors des territoires occupés. «La communauté internationale» oserait-elle imposer un blocus contre Israël, voire des sanctions économiques ? L'Etat hébreu ayant un statut spécial dans les relations internationales, le scepticisme demeure de rigueur. M. B.