Pas moins de 17 généraux à la retraite et 4 amiraux actuellement en service figurent parmi 49 militaires interpellés dans plusieurs villes, Ankara, Istanbul et Izmir. Cette offensive judiciaire en Turquie d'une ampleur inédite contre l'armée a suscité des tensions entre partisans du gouvernement du Parti de la justice et du développement AKP et l'opposition pro-laïque. Les officiers interpellés et entendus par des procureurs d'Istanbul sont accusés d'avoir voulu faire sauter des mosquées dans le but de plonger le pays dans le chaos et d'encourager un coup d'Etat dans le cadre d'une opération dite «Marteau de forge» datant de 2003. Les mis en cause sont également soupçonnés d'avoir voulu abattre un avion militaire turc pour provoquer un conflit avec la Grèce et gêner le gouvernement. L'armée a vivement démenti l'ensemble des accusations. L'instigateur supposé de ce plan, l'ex-général Cetin Dogan, qui figure parmi les militaires arrêtés, a également nié toute implication. L'armée turque, qui a démis quatre gouvernements depuis 1960 et exerçait une influence importante dans la vie politique, a vu ses prérogatives amoindries après les réformes du gouvernement AKP (au pouvoir depuis 2002). L'institution militaire a vu son image écornée ces dernières années en raison d'enquêtes sur des conspirations présumées de ses membres en service ou à la retraite, visant à vouloir coûte que coûte chasser l'AKP du pouvoir. Le chef d'état-major, le général Ilker Basbug, qui a reporté un déplacement prévu en Egypte, avait récemment dénoncé une campagne de dénigrement visant l'armée et affirmé que l'ère des coups d'Etat était révolue. Le premier magistrat de Turquie, le procureur en chef de la Cour de cassation, avait fait planer la menace d'une nouvelle procédure en dissolution de l'AKP. En 2008, après une dure bataille de procédure, l'AKP avait évité de justesse une interdiction pour «activités anti-laïques». M. B.