Le temps d'une représentation théâtrale, les planches du Théâtre national algérien (TNA) Mahieddine Bachtarzi sont devenues la scène d'un grand événement, celui du baptême du Théâtre régional de Guelma (TRG) qui a rouvert ses portes, il y a un peu plus de six mois, après de longues années d'éclipse totale. Et malgré sa «jeunesse» et l'ampleur du chantier que représente la remise sur les rails d'un théâtre, cet établissement a entrepris de monter sa première production intitulée Lahadat masreh (instants de théâtre). Mise en scène par Haider Ben Hassin, cette œuvre, adaptation libre du roman Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain, met en scène un groupe de comédiens en pleine séance de répétition. Plongés dans le texte, ils tentent de cerner leurs personnages pour pouvoir les endosser. C'est le théâtre dans le théâtre. La pièce s'amorce, mais bien vite on perd le fil. La frontière entre le réel et le fictif s'estompe. Dans une pénombre pesante déchirée par quelques faibles lueurs, les comédiens tentent de monter le spectacle. Chacun d'entre eux occupe un espace et tente de créer son personnage, sous l'œil vigilant du metteur en scène qui, un calepin à la main, prend des notes. Il intervient de temps à autre pour recadrer, corriger ou expliquer le jeu du groupe. En optant pour cette forme théâtrale qui met en scène la réalité, Haider Ben Hassine a offert une plongée dans le monde du 4ème art. Le spectateur découvre ainsi le comédien non plus dans la peau d'un personnage qui l'éclipse mais dans toute sa réalité, un être humain avec ses faiblesses, ses peurs, ses difficultés et soucis quotidiens, tous ces sentiments dont il doit faire abstraction pour endosser ceux d'un autre, du personnage. La pièce relate l'histoire d'Emmanuel, un jeune homme qui a quitté sa terre natale depuis 15 ans pour Cuba, laissant derrière lui ses parents désemparés. De retour à son village, il découvre la misère causée par la sécheresse. Son lieu de naissance et berceau de son enfance en l'absence d'eau, élément vital, est devenu une zone aride. Attristé par cette catastrophe, il s'engage personnellement à redonner vie à sa terre et cela en cherchant de l'eau dans une montagne. Il peine à concrétiser son objectif surtout lorsqu'il se retrouve épris d'amour pour Anaïs. Un amour presque impossible habite son esprit et aliène sa raison. Son village, divisé en deux clans rivaux, est meurtri par les querelles et, lorsque Emmanuel trouve enfin sa source, il en payera le prix de sa vie. Le thème comme les personnages sont difficiles à interpréter. Les comédiens donnent le meilleur d'eux-mêmes mais la complexité du texte les afflige et ils n'arrivent pas à donner fin à la pièce. Le rideau tombe. Mais ce n'est pas la fin comme on l'aurait cru. Le metteur en scène (dans la pièce, non de la pièce) resurgit de derrière le rideau pour s'excuser auprès du public qu'il essayera d'éclairer sur la nature du texte et lui explique que ce qu'il venait de voir n'était en fait qu'une répétition… ! Au-delà du concept fort créatif, la pièce s'est distinguée par la précision de l'accompagnement musical, avec une scénographie épurée, quelques chaises disposées çà et là sur la scène. W. S.