La grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi a abrité trois représentations consécutives de la première (et dernière !) production du Théâtre régional de Guelma (TRG) — fraîchement inauguré —, intitulée Lahadate Masserah (des instants de théâtre). Produite par le TRG et mise en scène par Haïder Ben Houssine, d'après une adaptation du classique de la littérature haïtienne les Gouverneurs de la rosée, de Jacques Roumain. Le roman —considéré comme un classique de la littérature haïtienne, paru à titre posthume en 1944 — relate l'histoire d'un vieux couple qui attend depuis quinze années son enfant, parti vers un ailleurs à la recherche d'un travail. À son retour, il trouve un village où règne la désolation. Le village est aussi divisé par de vieilles querelles. Téméraire et armé de courage, notamment grâce à l'amour infini qu'il voue à Annaïse, le jeune Manuel part à la recherche d'une source, afin de redonner vie à son village. Sans connaître la trame de ce roman, le spectateur ne pourrait comprendre le propos des six comédiens, puisque Haïder Ben Houssine (qui a signé l'adaptation) est allé au-delà du propos du roman. L'auteur et metteur en scène, coiffé ainsi d'une double casquette, s'est laissé dépasser par la création, car il traite du comédien, du quotidien des artistes et de leur perpétuelle recherche du personnage. La recherche est également ce qui définit l'œuvre de Haïder Ben Houssine, qui cherche lui aussi une problématique et une signature. Il est à la recherche d'une forme, d'une esthétique, d'une expression théâtrale. La pièce appartenant au genre de l'absurde pose des problématiques, le metteur en scène s'interroge sur le théâtre, les comédiens se cherchent et le spectateur est pris dans le tumulte de toutes les contradictions de Lahadate Masserah, qui s'inscrit dans la continuité par rapport à la pièce le Professeur Kleanov. En effet, les questionnements sont les mêmes, la cacophonie est toujours présente et le metteur en scène se cherche encore et encore. Ce n'est pas un théâtre destiné à l'élite, mais plutôt un théâtre dans le théâtre, comme un repère aux étudiants en art dramatique.