La France comme les Etats-Unis ont depuis longtemps pris conscience de la nécessité de marquer, chacun selon ses intérêts, ses priorités et sa doctrine, leur présence au Sahel. Une région stratégique qui peut être la meilleure plateforme pour l'exercice de leurs influences sur la région et le reste du continent africain. Les Américains estiment que la région est infestée de terroristes et de toutes sortes de réseaux spécialisés dans les crimes organisés, voire les nouveaux chemins de la drogue dure. Un constat qui les pousse à réclamer une surveillance plus rigoureuse de tous les mouvements dans la région. Cela étant dit, nul n'est dupe des autres motivations américaines. Washington a toujours inclus dans ses approches stratégiques un paramètre non moins important : le pétrole. Le rapport de l'ex-vice-président américain Dick Cheney, paru en 2002, éclaire plus d'une chandelle sur ce sujet. Ce dernier qualifie l'Afrique comme une des ressources énergétiques stratégiques nécessaires pour les Etats-Unis à l'avenir. D'où leur volonté d'installer, à tout prix, des bases dans cette région. Les Américains, qui continuent à nourrir les espoirs de voir un jour les pays de la région accepter l'installation de leur Africom, observent de près les manœuvres françaises au Sahel. La France, ancienne force coloniale, sait plus que tout le monde que sa présence sur les lieux est le seul moyen de lui assurer, entre autres, l'accès aux richesses naturelles et particulièrement aux ressources énergétiques. Nul doute que la politique française a un contenu ancien mais avec une approche nouvelle qui repose sur un certain nombre de pays, notamment le Mali, le Niger et le Tchad. Le changement se situe, selon les spécialistes, surtout au niveau du ton employé et des moyens adoptés. Tout le monde s'accorde à dire que dans le fond, la relation de Paris avec ses anciennes colonies n'a changé ni dans son essence ni dans ses objectifs. La France souhaite toujours avoir la mainmise et la priorité sur les richesses de ses anciens administrés. La prolifération des associations françaises dans la région offre le bon couvert à bon nombre d'agents de la DGSE et permet à l'ancien colonisateur d'avoir les informations qui renforcent sa présence et ses ingérences dans la région. Le dernier exemple en date, et non des moindres, est celui des pressions exercées par Paris sur Bamako pour l'élargissement de quatre terroristes en contrepartie de la libération d'un agent des services de renseignements français. Une politique dangereuse d'autant qu'elle prouve, une fois de plus, que la politique sécuritaire française est tributaire de ses propres intérêts. Paris a démontré qu'il ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs. Avec une facilité déconcertante, l'Élysée a piétiné tous les principes pour parvenir à ses fins. Par cette démarche, foncièrement en opposition avec les principes internationaux de lutte contre le terrorisme, en applaudissant les négociations avec les terroristes, la France casse la dynamique internationale de la lutte contre ce fléau et ouvre la voie à d'autres dérapages. Les autres pays dont les ressortissants restent otages des groupes criminels dans la région savent désormais que cette voie était «empruntable». Londres, l'autre allié inconditionnel des Américains, n'a pas hésité à désavouer ce procédé condamnable. En visite à Alger, le porte-parole régional du Foreign Office, Martin Day, a indiqué au sujet du paiement des rançons que «le gouvernement britannique refuse toute forme de concession», car, a-t-il tenu à expliquer, «nous considérons que le paiement de rançons mènera à d'autres enlèvements et prises d'otages à l'avenir». La France, qui continue à slalomer sur les concepts, n'hésite pas à affirmer par le biais du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, l'engagement de la France et sa mobilisation totale dans la lutte contre la menace terroriste. Difficile de croire en la sincérité française, quand celle-ci vient de violer ouvertement et effrontément la résolution 1904. G. H.