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«Au sahel, l'option militaire ne suffit pas»
ABDELKADER MESSAHEL À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 06 - 06 - 2009

Le ministre délégué chargé des Relations maghrébines et africaines revient dans cet entretien sur plusieurs questions, entre autres la situation dans la bande du Sahel, le terrorisme, le Nepad, le Sahara occidental.
L'Expression: L'Algérie joue un rôle de promoteur de paix dans la bande du Sahel. Comment a-t-elle pu s'impliquer aussi fortement?
M. Messahel: Le Mali est un pays voisin qui a connu une situation d'instabilité. Et l'Algérie ne peut être indifférente à ce qui se passe dans son voisinage immédiat. Ces dernières années, le Nord du Mali a connu une certaine effervescence suite aux problèmes soulevés par les populations qui y vivent, notamment les Touareg. A la demande du gouvernement malien et de l'Alliance des Touareg, l'Algérie est intervenue pour apporter sa contribution au retour de la paix et de la stabilité dans la région. Le président de la République lui-même s'est très impliqué dans la recherche de solutions. C'est ainsi que nous sommes parvenus aux Accords de juillet 2006, signés entre le gouvernement central malien et l'Alliance malienne. Je crois que cela a constitué une étape extrêmement importante dans le retour de la paix et la stabilité dans le Nord du Mali. Cependant, elle a été également suivie par quelques soubresauts du fait des difficultés, parfois objectives, de mise en oeuvre effective de l'Accord d'Alger. Donc, il a fallu déployer d'autres efforts pour parvenir finalement à un accord global qui a permis la mise en oeuvre des engagements pris de part et d'autre. C'est ainsi que le gouvernement malien s'est engagé dans un processus d'intégration des forces de l'Alliance dans les rouages de l'Etat, tout comme l'Alliance a procédé à un désarmement total de ses troupes. C'est là indéniablement un pas très important qui a été franchi vers le retour de la paix et à la stabilité dans ce pays.
Peut-on considérer que le conflit dans le Nord du Mali est réglé d'une manière définitive?
Nous pensons que l'accord définitif entre la rébellion touarègue et le gouvernement est un pas significatif et important dans la mesure où il contribuera grandement à la consolidation de la paix et la sécurité dans la région. L'accord est une plus-value dans la lutte contre le terrorisme et ses multiples connexions. Nous estimons, pour notre part, que tous les moyens doivent être mobilisés pour éradiquer ce phénomène et ses connexions. Le Sommet de Bamako prévu prochainement est porteur de perspectives importantes pour la région puisqu'il consacre un volet au développement. Cette région a besoin, en effet, de projets de développement qui vont nourrir l'espoir et esquisser des perspectives heureuses pour la population de la région. Avec la participation de tous les pays du voisinage et une contribution coordonnée de leurs efforts, nous pourrons mettre en place une politique à même de valoriser les potentialités économiques de la région et qui aura des retombées positives sur la vie des populations. Il y a lieu d'être optimiste pour l'avenir.
La bande du Sahel est connue pour être le fief de plusieurs fléaux. Qu'avez-vous fait pour libérer la région de ces féaux?
Effectivement, il y a d'autres phénomènes qui constituent une véritable menace pour la paix et la stabilité dans la région. Ces fléaux n'affectent pas uniquement le Nord Mali. C'est toute la bande sahélienne qui est affectée par les activités terroristes qui sont une menace pour les pays du voisinage. Là aussi des efforts ont été entrepris pour une meilleure coordination entre les pays du voisinage afin de créer les synergies nécessaires qui nous permettront de mener, ensemble, une lutte implacable contre ce phénomène et ses connexions que sont le trafic de drogue, la contrebande, les enlèvements....D'ailleurs, on a constaté, ces derniers temps, que l'argent des rançons, suite aux enlèvements, va au financement des réseaux terroristes. Sur ce plan, il y a un effort collectif à consolider. Pour revenir au Sommet de Bamako, ce rendez-vous est appelé à fixer des objectifs qui permettront à la région de renouer définitivement avec la paix et la stabilité. Dans cette quête, il n'y a pas que le volet sécuritaire, il y a également la question du développement qui se pose avec beaucoup d'acuité. En effet, ces régions, très pauvres, sont dans l'attente d'une véritable politique de développement. Nous espérons que le sommet projeté auquel l'Algérie appelle à sa tenue dans les meilleurs délais, définira une stratégie fondée sur la prise en charge des questions sécuritaires et de développement. Une réunion ministérielle préparatoire qui a regroupé les ministres des Affaires étrangères du voisinage s'est déjà tenue au mois de novembre.Elle a donné lieu à un échange de vues sur les documents qui seront soumis aux chefs d'Etat.
Pensez-vous qu'il existe réellement des possibilités pour développer la coopération entre les pays de la région tout en sachant qu'ils souffrent des mêmes problèmes?
Evidemment. Il y a plusieurs secteurs où on peut développer cette coopération. Je citerai les infrastructures, les réseaux de connexion, le gaz, la recherche et la prospection. Nous avons l'entreprise Sonatrach qui est présente au Mali, au Niger et en Mauritanie. Des perspectives existent aussi pour le développement de la coopération dans le domaine de l'agriculture oasienne et saharienne. Donc, l'éventail est très large et tous les secteurs peuvent être concernés par des programmes de développement intégré. Et là, j'insisterai singulièrement sur la coopération transfrontalière qui permettra le développement du commerce contrôlé. La route transsaharienne doit être un ciment dans le rapprochement entre les pays et pour le renforcement de la coopération. Je citerai également le transport aérien qui peut être bénéfique. Là aussi, il y a l'aspect politique mais la rentabilité commerciale doit primer. Toutes ces perspectives pour dynamiser la coopération existent. Nous les avons recensées à plusieurs reprises avec nos partenaires. Mais elles ne peuvent être réellement mises en oeuvre que s'il y a définitivement la paix et la sécurité. C'est pourquoi la coopération dans le domaine sécuritaire prend une place extrêmement importante. Le règlement de cette question permettra aux grands projets structurants que sont la transsaharienne, le gazoduc qui connectera le Nigeria à l'Algérie et la liaison de fibre optique de voir le jour dans les meilleurs délais.Ces réalisations auront des retombées bénéfiques, à moyen terme, sur la population de la région car elles vont permettre sa stabilisation et sa fixation.De même qu'elles ouvriront des perspectives économiques pour la région.
Est-ce que les tensions que connaît la région ne sont pas dues, quelque part, à un affrontement des intérêts de pays comme la France et les Etats-Unis?
Je pense que ce qui est important à dire c'est que l'avenir de la région concerne les pays du voisinage. Tout le monde a pris conscience que nous avons tous intérêt à ce que la coopération entre les pays du voisinage puisse se consolider et se renforcer. Nous avons les moyens et les capacités de le faire. Je crois que le Sommet de Bamako s'inscrit dans cette vision. Plus nous renforçons la coopération, moins nous exposons la région.Cependant, nous sommes ouverts à tout partenariat au service du développement de la région, que ce soit avec les USA, les pays d'Europe ou le reste du monde.
Quelle lecture faites-vous sur l'évolution de la question du Sahara occidental?
La résolution 1871, adoptée par le Conseil de sécurité le 30 avril 2009, reconduit le mandat de la Minurso pour un an et rappelle que le problème du Sahara occidental est un problème de décolonisation qui doit trouver sa solution dans le cadre de l'exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit à l'autodétermination. Je crois que c'est l'un des éléments fondateurs de la recherche de la solution. Cette résolution est venue conforter le schéma qui a été défini par le Conseil de sécurité de l'ONU pour amener les deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, à négocier une solution pacifique et politique sans préalables et sans conditions. L'Algérie ne peut qu'appuyer cette démarche parce que l'objectif est le règlement de la question du Sahara occidental conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et de la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation. L'Algérie apportera son appui au nouveau représentant du secrétaire général de l'ONU, l'ambassadeur Christopher Ross qui, comme vous le savez, a été reçu par le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, à l'occasion de la tournée qu'il a effectuée dans la région au mois de février dernier. L'Algérie a réitéré sa position et sa disponibilité à accompagner le nouveau représentant dans le cadre de la mise en oeuvre de son mandat tel que défini par les résolutions de l'ONU. Ce qui est nouveau également dans la résolution, c'est la prise en considération de la dimension humaine. La violation des droits de l'homme sur le territoire du Sahara occidental est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale.
Le Sommet de l'Union africaine s'annonce pour bientôt. Quelles sont les questions centrales inscrites à l'agenda de cette rencontre?
Le Sommet qui se tiendra du 1er au 3 juillet à Syrte, en Libye, offrira l'occasion aux chefs d'Etat africains de discuter de la question sensible de la sécurité alimentaire. L'agriculture sera donc le thème central de ce sommet. Pourquoi l'agriculture? Tout simplement parce que l'Afrique a subi la hausse des prix des produits alimentaires au point que des émeutes ont éclaté dans certains pays. N'oublions pas également que le Continent subit les conséquences des changements climatiques qui ont eu des répercussions préjudiciables sur la production agricole. Et enfin, la crise financière internationale a eu des retombées négatives sur le développement de l'agriculture. Donc, il s'agit aujourd'hui pour l'Afrique de s'organiser pour assurer sa sécurité alimentaire. Le Continent pourra y arriver pour peu qu'il mobilise ses capacités et son potentiel au service d'une véritable stratégie de relance de la production. Le thème de l'agriculture sera subdivisé en quatre sous-thèmes qui traiteront des changements climatiques, des opportunités d'investissement, de la question des échanges commerciaux et du financement des investissements, enfin des facteurs incitatifs pour le développement des activités économiques rurales par les pays de la région. Parallèlement à ce sommet, il y a deux autres sommets qui se tiendront également Il s'agit du sommet du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (Maep) et du Sommet de mise en oeuvre du Nepad auxquels prendront part les chefs d'Etat des pays membres.
L'Afrique sera conviée au Sommet du G8 qui se déroulera le 9 juillet prochain en Italie. Ce dialogue a-t-il des retombées concrètes sur le terrain?
Oui, il y a des résultats. D'abord, le dialogue politique est là. La volonté est partagée. De même qu'il y a eu un effort qui a été fait par les pays du G8 notamment en matière de renforcement de leur contribution dans tous ce qui est financement et aide au développement. Il y a une plus grande cohérence dans l'aide publique au développement parce qu'elle est plus ciblée et tient compte des priorités du Nepad et des pays africains. Elle mérite cependant d'être approfondie. Désormais, des réunions d'évaluation seront tenues, avant chaque sommet de G8, pour voir ce qui a été réalisé de part et d'autre. Cette année, le segment Afrique du Sommet du G8 sera consacré aux conséquences de la crise financière internationale sur l'Afrique, la lutte contre les changements climatiques, les questions de paix et de sécurité en Afrique. A l'initiative du président italien, la question du développement du système administratif des processus politiques sera examinée. Par ailleurs, toutes ces questions ont été à l'ordre du jour de la réunion de coordination qui s'est tenue à Alger, au mois de mars dernier, et qui a regroupé les Sherpas des chefs d'Etat des pays africains initiateurs du Nepad.Nous avons donc pris suffisamment de temps pour préparer la position africaine sur les thèmes inscrits à l'ordre du jour. Cette position a fait l'objet de présentation lors de la rencontre, tenue en avril dernier à Venise, entre les Sherpas des chefs d'Etat des pays du G8 et les représentants personnels des chefs d'Etat des pays africains initiateurs du Nepad.
Le président de l'Organisation internationale de la migration vient d'achever une visite à Alger. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce déplacement?
Cette visite du Directeur général M.William Lacy Swing s'inscrit dans le cadre de la coopération bilatérale entre l'Algérie et l'OIM.L'Algérie qui a été pendant longtemps un pays pourvoyeur de migration est devenu un pays de transit et d'accueil des immigrants. Dans notre approche, la problématique de la migration est perçue d'abord sur le terrain de la défense des droits des travailleurs algériens à l'étranger. Nous oeuvrons à la mise en application des conventions internationales relatives au phénomène migratoire, en particulier la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Cette convention qui a été signée par une centaine de pays n'a été, malheureusement, ratifiée que par une quarantaine de pays dont l'Algérie. L'autre élément qui fonde notre approche repose sur le lien entre la migration et le développement. Je rappelle à cet effet, que l'Algérie l'une des initiatrices de la position africaine commune, consacrée à Alger, plaidera toujours pour la mise en place d'un partenariat international qui s'attaquera aux causes structurelles de l'immigration.Ce qui passe par une plus grande disponibilité de nos partenaires à nous accompagner dans notre quête pour la promotion d'un développement sur des bases durables.
La question de l'immigration clandestine a-t-elle été évoquée?
La question de l'immigration clandestine a été évoquée au cours de nos entretiens. Cette question est gérée au plan national, en particulier dans sa dimension humaine, en coordination avec les pays africains concernés. De même qu'elle est au coeur des préoccupations que nous soulevons au sein des cadres appropriés de coopération internationale. Cependant, il y a lieu de souligner que dans notre approche, c'est la migration légale qui constitue le véritable enjeu. Il s'agit pour nous de défendre, dans le cadre des conventions signées, les droits de nos ressortissants régulièrement installés dans les pays du Nord. Il nous faut demeurer vigilants pour ne pas être détournés de cet objectif.


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