De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur La majorité présidentielle française s'est réveillée hier avec de terribles maux de tête. Lors du premier tour des élections régionales qui s'est déroulé la veille, elle a subi une défaite cuisante, plus que ce que pronostiquaient les sondages. Avec 27% des suffrages exprimés, elle a enregistré le plus mauvais score obtenu depuis l'avènement de la Ve République. Devancée par un Parti socialiste ressuscité, 30%, elle est largement distancée par l'ensemble des voix de la gauche qui totalise 50%. Ce scrutin donne un nouveau rapport de force politique qui n'exclut par de voir la droite perdre les deux seules régions, l'Alsace et la Corse, qu'elle dirigeait. La gauche est en position d'accaparer les vingt-deux exécutifs de régions de la France métropolitaine, car elle ira unie au deuxième tour de dimanche prochain. Les socialistes bénéficieront du report des voix de Europe Ecologie (12,45%), qui devient la troisième force politique du pays, du Front de gauche (6,11%) et même de l'extrême gauche (4%). Cette réserve de voix n'existe pas pour l'UMP et c'est toute la stratégie du parti unique pour la droite qui est mise en interrogation. Tous les analystes et observateurs ont relevé un deuxième échec de Sarkozy. Le ratage de la marginalisation de l'extrême droite et son parti le Front national. Celui-ci, laminé lors de l'élection présidentielle de 2007, connaît une inquiétante renaissance pour les démocrates. En obtenant 11,74% des voix (il faut un minimum de 10% pour pouvoir rester en course), le parti qui cultive la haine des Arabes, de l'immigration et de l'islam sera présent au deuxième tour dans une douzaine de régions, imposant des triangulaires dont pâtira la droite. Plus inquiétant encore est le score, 20,29%, obtenu par Le Pen dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et sa fille Marine (18,31%) dans le Nord-Pas-de-Calais. Le Front national a donc récupéré, par déception, une bonne partie de l'électorat qui avait voté précédemment pour Sarkozy et sa majorité parlementaire. Certains observateurs donnent aussi comme explication les retombés perverses du débat sur l'identité nationale qui a remis au goût du jour certaines «valeurs» nauséabondes chères à l'extrême droite, dont l'idéologie raciste est loin de s'essouffler. Ce premier tour de l'élection régionale française se caractérise, enfin, et là il y a un consensus, par une défaite de la démocratie. Les Français ont boudé les urnes comme jamais avec un taux d'abstention de 53,63%, soit 23,5 millions d'électeurs qui ont décidé de ne pas voter. La défiance à la politique, la déception face aux promesses non tenues par le pouvoir, les effets de la crise économique et sociale et son chômage ascendant, le manque de lisibilité du rôle et des fonctions des régions (qui s'occupent des lycées, des transports, de l'apprentissage, de la formation et des aides aux PME) sont autant d'explications avancées pour cerner une désaffection des urnes qui est dans tous les cas une interpellation sur la santé de la démocratie française.