Il faudra sans doute bel et bien attendre le soir du 6 mai pour savoir si le favori est élu président. C'est le flou. C'est sur le fil du rasoir que se déroule la course à l'Elysée. La campagne arrive à son terme, mais les jeux sont loin d'être faits. Qui va s'asseoir dans le fauteuil de Jacques Chirac? Deux facteurs aident à cerner cette question: les sondages et le parcours politique des concurrents. Nicolas Sarkozy, le candidat de l'UMP, est toujours en tête des sondages d'opinion. Chaque nouvelle livraison le confirme dans son statut de favori. Certes, la vox populi conteste leur fiabilité mais en redemande. Les sondages alimentent quotidiennement la chronique politique. Selon ces fameux sondages, la plupart des Français saluent en Sarkozy son autorité, son endurance et sa capacité de travail. Sur le terrain politique, Ségolène Royal, la candidate du PS, ne manque pourtant pas d'atouts. Un simple rappel: la gauche a remporté pratiquement tous les scrutins organisés sous le quinquennat de Chirac. Lors des élections régionales, les socialistes ont raflé toutes les régions, Alsace exceptée, contrôlant la majorité dans 21 assemblées sur 22. Idem aux municipales et lors des législatives partielles. Depuis sa victoire décisive aux législatives de 2002 où l'UMP avait obtenu 47% des voix contre 35% pour le PS, le parti créé par Jacques Chirac (et capté depuis par Sarkozy), a subi des défaites en cascade, que ce soit sous la casquette du président ou celle de son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. La majorité a même touché le fond quand, à l'appel des étudiants, des syndicats et de la gauche politique, une fronde générale a «emporté» le contrat première embauche(CPE) proposé par Dominique de Villepin, le successeur de Raffarin, après l'échec du référendum sur la Constitution européenne. Cerise sur le gâteau pour les socialistes, entre autres, qui se remettaient ainsi de leur propre échec européen. La seule logique politique voudrait donc que la droite subisse une nouvelle défaite. Or, Sarkozy est loin de se présenter en victime expiatoire, bien au contraire si l'on en croit les sondages. D'ailleurs, Sarkozy s'est toujours démarqué du gouvernement de Raffarin et de De Villepin. Il a su créer une sorte d'opposition dans les rangs de la droite, jouant toujours au simple ministre de l'Intérieur privé des pleins pouvoirs dûs à son rang pour agir à sa guise. Autrement dit, on ne doit pas le juger sur le bilan du gouvernement sortant, il n'est pas responsable de son échec. Sarkozy se qualifie de candidat représentant «la rupture»...Enfin, les observateurs sont quasiment unanimes à estimer que Nicolas Sarkozy a mené une bonne campagne électorale. Il s'est d'ailleurs engagé dans la course dès 2003, occupant le terrain bien avant les autres, prenant une avance qu'il a su conserver. Autre aubaine pour lui, la division de la «gauche plurielle». Au moins sept candidats se revendiquent comme tels (outre la candidate socialiste, il y a trois trotskystes, une écologiste, une communiste et un altermondialiste dans les rangs). Sous cet angle, comment la victoire pourrait-elle échapper à Nicolas Sarkozy? Mais attention! François Bayrou est là pour gâcher la fête. A la surprise générale, le candidat centriste a réussi à se glisser dans le peloton de tête, en se portant dans le camp de l'opposition, et il frappe dur. Des coups qui risquent de faire mouche au second tour. Les électeurs de M. Bayrou, plutôt des enfants de la droite, pourraient bien, pour quelques-uns, basculer dans le camp de Mme Royal, pour faire barrage à M.Sarkozy...Une façon de revaloir à la candidate socialiste une partie de l'électorat dont François Bayrou l'a visiblement amputé. Bref, les Français sont toujours dans le brouillard, à une journée du premier acte. Rien ne dit que le paysage va vraiment s'éclaircir dès l'après-midi de demain. Il faudra sans doute, bel et bien attendre le soir du 6 mai pour savoir si le favori est élu président.