Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Entamée il y a près de deux années, l'opération de mise en conformité des constructions et leur achèvement ne semble pas faire des émules chez des citoyens oranais, peu empressés à se rendre auprès des instances concernées. Selon la direction de l'urbanisme d'Oran, seulement 180 dossiers ont été réceptionnés à ce jour, dont 71 ont été traités par la commission de daïra. «Ce qui est très insuffisant au regard du parc immobilier que l'on peut imaginer dans une wilaya qui compte pas moins de 26 communes !» juge un responsable de l'urbanisme, pointant un doigt accusateur sur les APC qui, affirme-t-il, ne se donnent pas la peine de réceptionner les dossiers des déclarants : «La majorité de ces communes n'accordent [encore] aucune importance à la loi de mise en conformité des constructions et leur achèvement et, bien que l'on ait organisé plusieurs campagnes d'information et de sensibilisation à leur intention, peu d'efforts ont été consentis. C'est visible au regard du petit nombre des dossiers enregistrés.»Pour ce responsable, il n'est pas normal que la majorité des communes n'ait pas encore mis à la disposition des futurs déclarants (personnes voulant déposer leurs documents, ndlr) le registre spécial sur lequel les déclarations doivent être consignées, ou que des citoyens soient refoulés par des agents communaux, peu disposés à accuser réception des dossiers de mise en conformité : «Par la faute de ces communes, beaucoup de citoyens sont désemparés et ne savent plus à quelle instance s'adresser !» poursuit notre interlocuteur, qui atteste que de nombreux concitoyens ne demandent qu'à se mettre en conformité avec la loi. «Tous sont les bienvenus, qu'ils disposent ou non du permis de construire. L'essentiel, comme le prévoit la loi, est de mettre un terme à l'état de non-achèvement des constructions et de mettre en conformité les constructions réalisées.» En ce qui concerne la ville d'Oran, il est vrai que le parc des constructions qui restent à parachever est impressionnant même si, pour les raisons d'anarchie et de confusion que tout le monde connaît, personne (encore moins la direction de l'urbanisme) ne peut en estimer le chiffre. Des centaines, voire des milliers de nouvelles bâtisses dont l'édification a démarré il y a de longues années n'ont jamais été achevées, notamment en raison de la hausse effrayante du prix des matériaux de construction : «Sans mauvais jeu de mots, c'est plutôt la construction qui risque de m'achever», plaisante Mahmoud, qui a eu le bonheur (ou le malheur) de lancer la construction d'une maison dans la banlieue est d'Oran : «J'ai aménagé le rez-de-chaussée et coulé la première dalle mais je ne peux aller plus loin. Les matériaux de construction sont extrêmement chers, je ne suis même pas sûr que je pourrai terminer la maison un jour.»Résultat de ces 15 ou 20 dernières années de construction effrénée : un tissu suburbain défiguré par des carcasses hideuses, mises en vente, dont les façades principales portent des numéros de téléphone, des quartiers entiers composés d'habitations non achevées surmontées de piliers nus, des bidonvilles qui ceinturent la ville… et tutti quanti. Une telle catastrophe urbanistique, et il n'est même pas utile d'évoquer l'esthétique (harmonie des formes et la qualité des façades d'une construction, y compris celle des espaces extérieurs), un critère également visé par la loi. Les trois années qui restent avant l'échéance du délai de grâce pour la mise en conformité des constructions et leur achèvement seront-elles suffisantes aux concernés pour renouer avec la légalité ? Rien n'est moins sûr, même si l'Etat précise que les sanctions risquent d'être sévères. On l'a vu, les outils administratifs pour l'enregistrement de potentiels déclarants ne sont pas encore au point, le parc immobilier évoqué est immense (les constructions illicites foisonnent), les propriétaires pourraient traîner les pieds (ce qui est assez présent dans le tempérament des Algériens) et il n'est pas sûr que la majorité ait les moyens d'aller au bout de ses projets de construction.A moins d'un sérieux coup d'accélérateur (qui, pour le cas d'Oran, ne pourrait intervenir qu'après le rendez-vous gazier d'avril prochain), il se pourrait bien que le délai de grâce soit prolongé.