L'émir du Qatar n'est pas allé de main morte hier à Syrte. «L'action arabe commune est confrontée à une crise aiguë qu'on ne peut ignorer», a-t-il déclaré, avant de marteler : «Il ne faut ni se leurrer ni tromper nos peuples, nous n'acceptons pas également de présenter au sommet arabe ni à la nation un rapport sur les réalisations du conseil ministériel, sachant à l'avance que les résultats ne seront pas satisfaisants.» Refusant l'attitude paranoïaque de certains régimes arabes, l'émir du Qatar a estimé qu'«on ne peut pas faire endosser la responsabilité aux autres. Il est inutile de prendre des décisions dans un contexte de crise globale entravant l'action arabe commune, notamment en ce qui concerne la question d'El Qods et d'El Aqsa». Les dés sont jetés et les Arabes sont face à un miroir qui reflète leur réalité lamentable, tant au plan économique que social et surtout politique puisqu'ils n'arrivent pas à élaborer une stratégie commune à même d'en faire une puissance régionale capable de se faire entendre et d'imposer ses exigences aussi bien sur la question palestinienne que sur la situation en Irak. Sur ces deux dossiers, les Arabes n'ont ni rôle à jouer ni poids pour peser dans la balance géopolitique et géostratégique dominée par les puissances occidentales, l'Iran, la Turquie et Israël. La majorité des pays arabes sont divisés mais entretiennent des alliances fortes avec les puissances mondiales et régionales, laissant à ces dernières les initiatives. A ce titre, la Ligue arabe est sclérosée par son mode de fonctionnement et anesthésiée par l'Egypte qui en monopolise la direction et qui joue à l'équilibriste boiteux dans une équation impossible. Avec un Moubarak malade et en fin de règne, l'Egypte a atteint son seuil d'incompétence dans la direction des affaires arabes et dans la défense des intérêts communs qui restent à identifier. Même la zone de libre-échange arabe a été conçue dans le seul intérêt de l'Egypte dont l'économie est basée essentiellement sur l'exportation de produits manufacturés. Le leadership putatif de l'Egypte n'est pas uniquement contesté par la majorité des pays arabes, mais il s'amenuise dans les faits, dans la mesure où la politique arabe égyptienne ne répond plus aux besoins de la région et ne sert même pas les intérêts nationaux des Palestiniens. Le régime de Moubarak tient plus à ses relations avec Israël qu'à ses relations avec les pays arabes dont il considère les voix comme acquises à ses thèses et à ses choix géopolitiques qui servent plus Tel-Aviv, Washington et Bruxelles que les causes arabes. Prenant conscience de l'affaiblissement du rôle de l'Egypte dans la région arabo-musulmane, Washington ne fait plus cas du Caire dans sa politique arabe et musulmane, préférant tabler sur la Turquie en attendant un apaisement de ses rapports avec l'Iran. Jamais les Arabes n'ont été dans une telle division et dans une telle incapacité d'agir pour relever les défis qui leur font face. Certains pays arabes entretiennent des relations diplomatiques avec Israël et semblent dans l'incapacité de menacer l'Etat hébreu de rompre ces relations pour le contraindre à cesser la judaïsation d'El Qods et les agressions contre les populations palestiniennes. Seuls le Qatar et la Mauritanie ont rompu leurs relations avec Israël après la guerre déclenchée contre Ghaza. Cet état de fait n'a cependant rien changé à l'attitude belliqueuse d'Israël qui sait que les divisions arabes le servent autant que les divisions interpalestiniennes. Le sommet de Syrte y changera-t-il quelque chose et passera-t-il enfin aux actes ? A. G.