Pour sa 21ème édition, le festival Théâtres au cinéma de Bobigny (Seine-Saint-Denis) rend un hommage de taille au grand cinéaste Youssef Chahine. Ce dernier, dont l'importance dans le monde arabe et dans le cinéma mondial a été soulignée partout sur la planète par d'éminents critiques, artistes de tous les horizons, le méritait amplement. Habitué de la Cinémathèque algérienne de la belle époque révolue où il présentait systématiquement chacune de ses œuvres, le réalisateur a toujours eu l'estime, le respect et l'amitié des professionnels du cinéma et des intellectuels algériens. Homme de dialogue et sincère dans l'exercice de la tolérance, Jo, métissé au plus haut degré, a réalisé une œuvre gigantesque aux accents universels, traversée par un humanisme à fleur de peau, marquée par des engagements politiques indémodables. L'arpenteur des misères des petites gens d'Egypte, le fin scrutateur des errances des régimes arabes et des crimes des empires coloniaux, Y. Chahine a tourné le premier film de fiction sur la guerre de libération algérienne, dès 1958, juste à la fin de la bataille d'Alger. Gamila l'Algérienne a été sa première rencontre avec l'Algérie, au moment même où la révolution traversait ses pires moments. Oublié de son vivant par les officiels algériens, il ne l'a jamais été par les spectateurs et les gens de cinéma du pays. Le festival Théâtres au cinéma qui s'ouvrira le 31 mars pour se terminer le 11 avril prochain fera vivre pratiquement aux participants et spectateurs toute une vie. Celle de Y. Chahine sera évoquée par des amis, des collaborateurs, des producteurs et des critiques de cinéma. Sont convoqués dans la galaxie Chahine le Nobel de littérature Naguib Mahfouz. L'écrivain qui a connu lui aussi la bêtise arabe dans son pays a accompagné le cinéaste dans la création artistique par sa plume incomparable. Une autre star qui a longtemps brillé à Hollywood sera à Bobigny pour parler de Chahine qui l'a découverte et fait connaître avec l'unique Faten Hamama. Il s'agit de Omar Sharif, revenu au bercail bien des décennies après Eaux noires et Ciel d'enfer tourné l'année même durant laquelle résonnait le 1er Novembre dans les Aurès. Yousra, l'égérie de Jo, Mohamed Mounir, acteur et chanteur à la voix prenante, Marianne et Gabriel Khoury, les deux producteurs attitrés de Youssef Chahine seront de la fête à Bobigny. Humbert Bolsan qui a accompagné Chahine pour la production de nombre de ses films sera honoré à travers des documentaires signés par Anne Andreu, Henri Chapier (émission le Divan), Christian Argento, Jean-Louis Comolli qui a souvent été à la Cinémathèque d'Alger durant l'âge d'or (de gauche) des Cahiers du cinéma. Durant le festival de Bobigny, de grands hommages seront rendus à Omar Sharif avec la présentation d'une dizaine de films où il est la vedette principale, couvrant la période qui va de 1954 à 2009, avec en avant-première le film J'ai oublié de te dire de Laurent Vinas- Raymond. Parallèlement, le jeune public se régalera avec de nombreuses œuvres où l'on retrouve Sindbad de K. Zeman, les Aventures du prince Ahmed, le Voleur de Bagdad, etc. Le 11 avril, la soirée de clôture sera dédiée à l'Algérie avec le film Gamila l'Algérienne et un concert de Djmawi Africa. Le deuxième gros morceau du festival théâtres au cinéma de Bobigny est consacré au grand écrivain et homme de théâtre Albert Camus. Toutes les étapes de l'œuvre du prix Nobel 1960 seront visitées à travers des films, des lectures, des documentaires, dont certains ont été réalisés par Jean Daniel, Paul Vecchiali, Georges Régnier. Pour le 50ème anniversaire de sa mort, Camus fait polémique en Algérie et en France, deux pays où les enjeux de mémoire et d'histoire sont pour le moment monopolisés par la seule politique. A. B.