Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Ils sont jeunes et ont la foi, cette foi qui, ailleurs, ferait bouger les montagnes et qui, malheureusement, ici, maintenant et chez nous ne fait même pas bouger les lignes. Ils sont deux garçons (Amir, Zinou) et trois filles (Chahinez, Khaoula, Manel) à animer le ciné-club de Constantine depuis maintenant trois années. Tenir trois années dans une ville sur le plan culturel totalement lobotomisée est quelque chose d'extraordinaire pour qui la connaît et pour qui sait les embûches posées pour que n'émerge pas l'excellence.Il est vrai que «ciné-club» est un trop grand mot pour un groupe qui essaie, vaille que vaille, de faire plaisir à des jeunes de son âge et surtout de veiller à brasser large parmi cette catégorie de la population et plus particulièrement les filles. A partir du moment où les projections bimensuelles sont faites sur support vidéo, il ne peut qu'être admis qu'il se trouve quelque part une entorse à l'idée même de vulgariser le cinéma, ce qu'il draine comme magie et à partir de là, le faire ,aimer par le public si la projection est faite à l'aide d'un rétroprojecteur qui ne peut offrir qu'une image galvaudée.Mais c'est aussi trop demander, exagérément même, à un groupe qui s'investit autrement par le seul fait de consacrer énormément de son temps à préparer une séance, à trouver, en l'absence d'archives, un film qui corresponde à une situation, une conjoncture, un contexte précis, réfléchir au profil du débat, quoique Chahinez, l'une des chevilles ouvrières du CC, se défend «d'imposer une trajectoire aux discussions, une censure quelconque du contenu et encore moins d'autres échappatoires qui risqueraient, d'ailleurs, de biaiser la nature même de notre objectif qui est d'éveiller la conscience du public, de contribuer à sa maturité intellectuelle et culturelle».Pour l'heure, les animateurs du ciné-club se contentent du peu alors qu'ils peuvent exiger plus, du seul fait d'un bon droit qui consisterait, entre autres, pour les pouvoirs publics, à accorder un minimum d'intérêt à un groupe de jeunes qui s'efforce de créer un noyau dynamique, un espace d'expression que les institutions ès qualités existantes n'arrivent pas à assumer. Il est vrai qu'il est question d'imagination, d'intelligence, de volonté, d'honnêteté morale et intellectuelle dont ne disposent pas ceux qui tirent les ficelles de la culture et qui, hélas, en vivent au détriment des vraies compétences. «Nous aurions souhaité, évidemment, organiser une manifestation comme les Journées du film francophone dans un lieu approprié qui disposerait d'une cabine de projection, d'une salle où, les spectateurs seraient confortablement assis. En fait, une salle où parce que toutes les conditions requises sont disponibles, la communion obligatoirement serait au rendez-vous et donnerait une plus grande dimension au partage des émotions. Mais nous savons pertinemment, pour l'avoir déjà sollicité une fois, qu'une salle appropriée comme celle du palais de la culture Malek Haddad ne nous sera jamais attribuée pour les raisons que vous n'ignorez certainement pas», précisera à notre intention Chahinez. Les raisons ?C'est vrai, jusqu'à une certaine période, autrement dit avant l'arrivée du nouveau directeur de la culture. Son prédécesseur, mais aussi directeur du palais, s'opposait énergiquement à l'exploitation de la salle autrement que pour une location pour de softs rencontres, séminaires et autres colloques qui génèrent des recettes. Il existe donc bien une cabine de projection mais elle sert juste au décor. Par ailleurs, ce que n'avouent pas non plus les responsables locaux es qualités, c'est aussi que l'un des appareils de projection est en panne. Un simple petit problème d'objectif défectueux. Mais il n'existe pas que le palais de la Culture, il y aussi six autres salles. Toutefois faudrait-il pour autant remuer le couteau dans la plaie, rappeler que certaines d'entre elles sont menacées d'effondrement alors que d'autres regorgent d'un matériel obsolète ou tout bonnement n'en ont pas du tout (salle Massinissa du Khroub). Alors, le meilleur moyen de ne pas aider une équipe comme celle du ciné-club de Constantine, c'est forcément de l'ignorer et de laisser ces jeunes se débattre dans leurs difficultés et, tant qu'à faire, puisqu'ils arrivent à se tirer d'affaire, continuer de pratiquer la politique de l'autruche. Le hasard a fait qu'au lendemain de notre séance de travail avec les animateurs de ciné-club, nous avons eu à rencontrer et le directeur de la culture de la wilaya et une émissaire du ministère de la Culture en visite de travail à Constantine, auxquels évidemment nous avons fait part de l'initiative en question. Les deux cadres ont, à notre sens, été «emballés» par celle-ci, sauf qu'ils nous ont semblé tout de même quelque peu gênés par le fait que ni l'un ni l'autre ne soit au courant, notamment le directeur de la culture, lequel, est-il besoin de le souligner, semble plus «branché» sur les actions et/ou activités institutionnelles, ce qui est surtout histoire, et c'est tout légitime, de redonner dans l'immédiat vie à un secteur à l'agonie sur le plan local.En tout état de cause, le Ciné-club qui n'est toujours pas encore structuré en association, au sens des dispositions de la loi 90-31, continue de bénéficier pour la mise en place de telles manifestations du parrainage de l'association 100% culture et de la disponibilité de la direction de la maison des jeunes Ahmed Saadi qui va abriter les «Journées du film francophone» et permet à l'équipe l'usage des locaux administratifs pour leur préparation. Il aurait tout autant intérêt à le devenir (association) «Nous envisageons de formaliser prochainement notre situation et de déposer un dossier en ce sens auprès des services de la wilaya», nous ont souligné les membres. Dans leur deuxième édition après celle de l'année écoulée, aux «Journées du film francophone», l'ensemble des pays (Cameroun, France, Grèce, Maroc, Roumanie, Sénégal, Serbie, Suisse, Tunisie, Délégation de Wallonie-Bruxelles et le Canada) qui ont contribué à la tenue de l'événement et présentes par des contributions (films, documentaires) seront représentés par un fonctionnaire de l'ambassade du Canada, laquelle est-il utile et honnête de le souligner, a conséquemment contribué sur le plan financier à la préparation, voire à ce qui peut d'ores et déjà être considéré comme une réussite de la manifestation.Vivement que le ciné-club de Constantine gagne en autonomie et en fasse profiter son public.