De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Laisser-aller, vandalisme, incivisme et culture du «maître dinar» se sont imposés dans notre société comme étant des comportements tout à fait ordinaires, encouragés par une passivité «active» qui est l'expression d'une mentalité apparue il y a près d'un quart de siècle et qui s'est installée, depuis, dans la durée. Celui qui, avant «le cataclysme», a connu nos villes, cités, quartiers et villages de l'Algérie profonde où il faisait bon vivre, ne peut que constater avec regret et amertume cette dégradation et cette régression qui ont tout défiguré. Il faut dire que cette situation n'est pas le propre d'une ville ou d'une région, elle est générale et «généralisée», le comportement étant le même partout parce que la régression des mentalités et des esprits avait commencé en même temps dans l'espace Algérie et face à des situations analogues. Cette évolution négative est le fait d'événements, au départ anodins et sans importance, mais qui, au fil des ans, ont eu un effet boule de neige et généré des comportements individuels, même parfois collectifs, qui sont plus tard entrés dans les mœurs. Il faut dire que l'absence d'éducation et de culture, aggravée par un cadre de vie qui s'est dégradé, l'accroissement rapide d'une population qui ne peut plus être maîtrisé, les réactions tardives des autorités, leur négligence et parfois leur complicité, ont plus qu'encouragé cette dégradation que l'on constate de nos jours. Les jardins publics se sont transformés en urinoirs à ciel ouvert, en dépôts d'ordures de toutes sortes, en lieux de débauche et en «centres commerciaux» où l'on vend de tout. Cela commence par le petit vendeur de cigarettes ou le vendeur de thé qui se ménage un petit espace, lequel s'agrandit et prend de l'ampleur, puis, en l'absence de réaction des responsables locaux, d'autres viennent s'y installer. Le nombre se multiplie et la situation empire à tel point que les autorités ne peuvent plus intervenir sous peine d'être à l'origine d'émeutes. Alors on laisse faire et ces espaces censés être un lieu de promenade et de détente pour les citoyens sont squattés et n'appartiennent plus -de fait- au public. Cet exemple peut s'appliquer à tous les espaces publics à travers le pays. Il y a bien eu quelques actions de «nettoyage» en règle mais elles sont restées limitées dans l'espace et dans le temps et, quelques jours après ces «campagnes», ça repart et de plus belle et la situation est rééditée. Cela a entraîné un type de comportements qui s'est corrigé, adapté et perfectionné : les autorités n'agissent que sur ordre des instances supérieures, leurs interventions sont ponctuelles et sans impact durable, les squatteurs laissent passer la tempête pour revenir en force et réoccuper le terrain. Pour le mobilier urbain, c'est pire : bancs publics, abribus, lampadaires, panneaux publicitaires, panneaux indicateurs ou de signalisation sont l'objet d'actes de vandalisme gratuits commis par des jeunes juste par défi à l'administration en place ou aux passants qui font semblant d'ignorer ce qui se passe. Des lampadaires, éventrés d'où pendent des fils et dont les ampoules ont été brisées et certains en profitent pour voler le courant électrique payé par la collectivité, les abribus aux panneaux vitrés brisés et desquels on a extirpé les affiches publicitaires pour les déchirer, des panneaux publicitaires ou de signalisation carrément démontés et volés, des bancs publics dont on utilise les dossiers pour s'asseoir, un comportement des plus rétrogrades et qui n'a suscité ni la réaction des autorités, ni celles des comités de quartier, encore moins celle du public, «occupé à autre chose». Et cette «autre chose» est la culture de «maître dinar», devenu ces dernières années l'objectif suprême de presque tous. Il s'agit de se faire le maximum d'argent en un temps record, un comportement qui n'est pas apparu du jour au lendemain mais qui a plutôt pris son temps, puisque tous n'ont fait que suivre l'exemple de ceux qui ont réussi en «affaires» en piétinant les lois et règlements qui régissent la société sans qu'il y ait eu une quelconque interpellation. Cela a suscité l'intérêt des uns et des autres et poussé à adopter les mêmes principes, «préceptes» dirions-nous, pour qu'à leur tour ils agissent de la même façon, étant assurés de l'impunité, leurs «aînés» étant un exemple vivant. Tout est bon à prendre, lots de terrain, appartements, cinémas et espaces culturels qu'on transforme en centres commerciaux, en superettes, places publiques, change parallèle et autres combines pour amasser des fortunes et là on devient intouchable. Les rares exemples de réactions énergiques de l'Etat, particulièrement dans les hautes sphères n'en font rien puisque tous ont été habitués aux campagnes sans lendemain et on revient toujours à la case départ. Et cela continue, la culture du vandalisme tous azimuts a de beaux jours devant elle…