Photo : S. Zoheir Par Abderrahmane Semmar La menace de «drogues de synthèse», qui peuvent être fabriquées à partir d'un grand nombre de substances chimiques, inquiète l'Algérie. Il s'agit-là d'une sérieuse menace qui accentue encore davantage les dangers de la toxicomanie. Il faut savoir à ce sujet qu'un simple produit précurseur de l'aspirine est aussi utilisé pour la production d'héroïne. Malheureusement, jusqu'à l'heure actuelle, lorsqu'on évoque la problématique de la drogue et des trafics de produits stupéfiants, les premiers mots qui viennent à l'esprit peuvent, en gros, se résumer à cocaïne, héroïne, cannabis et XTC. Mais il y a des catégories de produits qui, s'ils ne constituent en rien des produits stupéfiants, sont des ingrédients indispensables à la production de drogues. On parle ici de précurseurs chimiques, des éléments dont l'usage est, en tant que tel, parfaitement licite. Et c'est d'ailleurs souvent le cas, notamment dans des entreprises pharmaceutiques. Exemple : l'anhydride acétique, destiné à la fabrication de l'aspirine, entre autres, est également utilisé dans la fabrication de l'héroïne. Mais on peut également évoquer la pseudoéphédrine, une substance utilisée dans les décongestionnants pour un rhume, mais aussi utilisée pour fabriquer des drogues de synthèse. Des précurseurs qui sont très recherchés par les trafiquants. A ce propos, il convient de signaler que l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) a reconnu dans un rapport de janvier 2010 que la législation internationale sur le contrôle des précurseurs chimiques comporte encore des lacunes. Exemple type : l'anhydride acétique. En moyenne, les importations mondiales annuelles d'anhydride acétique se situent entre 250 000 et 300 000 tonnes, dont près de la moitié est importée par les pays de l'Union européenne. «Un pourcentage de ce volume total est détourné à des fins illicites», indique le rapport de l'OICS, et qui se chiffre à des dizaines de milliers de litres. Un volume important quand on sait qu'un litre d'anhydride acétique permet la production de près d'un kilogramme d'héroïne. Au regard de la situation géographique de l'Algérie, les pouvoirs publics cherchent à tout prix à se protéger contre le détournement des précurseurs chimiques. Dans ce cadre, un séminaire national d'information et de sensibilisation sur cette thématique se tient depuis hier à l'hôtel El Aurassi. Lors de l'ouverture des travaux de ce séminaire, le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT), Abdelmalek Sayeh, a appelé avec beaucoup de fermeté à prendre des mesures strictes contre l'utilisation illicite des précurseurs chimiques des drogues. Certes, affirme-t-il, les drogues de synthèse et leurs précurseurs «n'existent pas encore», toutefois, a-t-il ajouté, il demeure nécessaire de prendre des dispositions et des précautions pour parer à l'introduction de ce type de drogues dans le territoire algérien. «Les circonstances qu'imposent la mondialisation et la facilité avec laquelle les personnes et les biens se déplacent, ainsi que l'expansion médiatique ont fait qu'il n'y a plus de frontières entre les Etats, entre les continents, ce qui nous pousse à agir avant que ces drogues ne frappent à nos portes plus vite qu'on ne l'imagine», a-t-il déclaré à cet effet. Dans ce contexte, il est important, selon le directeur de l'ONLCDT, d'accroître le contrôle de la circulation de ces produits, appelant à sensibiliser les importateurs et les utilisateurs des précurseurs chimiques quant aux dangers qu'ils représentent. «Les organisations criminelles qui font tout pour obtenir ces précurseurs chimiques peuvent ainsi menacer la sécurité de plusieurs pays», a-t-il dit, mettant en exergue l'impératif de mettre fin au trafic illicite de précurseurs chimiques et d'imposer des conditions et un contrôle stricts à leur traitement. Il est à souligner enfin que ce séminaire de deux jours est organisé en collaboration avec le groupe Pompidou, relevant du Conseil de l'Europe, spécialisé dans l'échange en matière de lutte contre la toxicomanie, ainsi qu'avec des partenaires algériens. Les travaux de cette rencontre sont axés principalement sur la lutte contre les détournements des précurseurs chimiques de drogues. Les participants, venus de France, d'Allemagne, d'Italie et de Jordanie, se penchent également sur l'amélioration des connaissances des personnels opérationnels des services de lutte contre ce fléau afin de perfectionner leur savoir en la matière et, en même temps, leur savoir-faire en termes de détection et de répression de détournement des précurseurs.