De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Hippo Regius, métropole numide de Massinissa, Thubirsicum Numidarum, célèbre par son théâtre romain, Madauros avec son université, trois cités qui avaient brillé dans l'Antiquité et qui avaient été de hauts lieux de civilisation et de culture sont aujourd'hui plongées dans l'oubli et ne sont évoquées qu'occasionnellement pour illustrer un guide touristique ou parler d'un personnage illustre dont le nom est intimement lié à l'une de ces cités. Ces sites archéologiques, qui se dressent encore en défiant le temps, portent dans leurs entrailles l'histoire d'une région, d'un monde qui a vécu et disparu mais dont les vestiges restent accrochés à un présent qui les ignore et observent le tumulte des hommes qui passent et continuent à raconter l'épopée de leurs aînés qui ont peuplé ces lieux. De ces sites maintes fois pillés, saccagés, vandalisés et volés, il ne reste plus que quelques «pierres» portant des inscriptions datant de ces époques que le temps a effacées des mémoires par le fait de l'ignorance des hommes. Aujourd'hui, on s'est juste contenté d'«emprisonner» ces richesses culturelles en installant des clôtures limitant ces sites «pour empêcher l'accès à tout intrus», le reste, tout le reste n'a pas droit de cité. Les populations habitant près de ces lieux ne s'y intéressent guère et n'y voient que des ruines sans importance à tel point que l'on a utilisé parfois ces pierres pour construire. Il y a quelques années, sur un site archéologique situé sur un mamelon à Mechta El Qoseiba, du côté de la localité de Khedara à une trentaine de kilomètres au sud-est de Souk Ahras, un des habitants de la mechta a construit une écurie avec des pierres de taille portant des inscriptions libyques et puniques. Le propriétaire nous avait fait comprendre qu'il n'avait pas pris ces pierres par hasard, bien au contraire il les avait choisies parce qu'elles avaient traversé les siècles et étaient toujours là. C'est dire l'ignorance et le mépris que les populations locales ont pour ces ruines qui, pour elles, ne représentent que les traces des «kouffar» alors qu'à l'époque l'islam n'était pas encore apparu en Numidie. Toutes les structures culturelles, directions, palais, maisons de la culture, CIAJ et autres départements d'archéologie n'ont, à ce jour, pris aucune initiative pour organiser des visites guidées en vue d'initier jeunes et moins jeunes à ce patrimoine légué par nos ancêtres. Un patrimoine d'une valeur incommensurable et d'une richesse culturelle sans commune mesure et qui est en train de périr sans que l'on «daigne» s'en occuper pour le faire revivre à travers des manifestations, des visites in situ ou des conférences qui pourraient éclairer les jeunes générations sur l'histoire antique de leur pays. Il y a bien eu en 2001 le colloque international sur Saint Augustin organisé par l'Algérie dans le cadre du dialogue des civilisations sur le thème «africanité et universalité». Cela avait drainé à l'époque des centaines de chercheurs, de scientifiques, de professeurs, d'étudiants, d'hommes d'église, d'imams et de simples touristes venus d'Europe et d'Amérique pour marcher sur les traces du saint homme et l'on croyait alors que ce serait le début d'une mise en valeur et d'une renaissance véritable de ce patrimoine. On s'attendait à ce que cela continuât et que les autorités encourageraient toute initiative à même de renouer avec ce passé glorieux de notre pays, ce qui amènerait des milliers d'étrangers sur cette terre d'Algérie. Mais le tourisme cultuel et culturel qu'on attendait n'avait pas été au rendez-vous et cette manifestation grandiose qui avait vu défiler à Thagaste, à Madaure, à Thubirsicum Numidarum (Khemissa) et à Hippo Regius des centaines de touristes n'avait pas fait long feu. Des lendemains qui déchantent et des pierres qui révèlent leur tristesse parce qu'ayant été abandonnées sans autre forme de procès. Ce fut donc juste une petite revanche sur des décennies d'ignorance et d'inculture qui continuent à se perpétuer…