Selon les statistiques de la police nationale, révélées en septembre 2009, une moyenne de 100 000 crimes est recensée chaque année (depuis 2001) sur le territoire national. Un climat d'insécurité règne dans les villes et sur les routes. Des groupes de jeunes, spécialisés dans les agressions, sèment la terreur dans plusieurs villes et quartiers du pays. Le phénomène mondial du gangstérisme touche de plein fouet une société qui sort à peine d'une dizaine d'années de violence terroriste. Il n'est plus rare de voir des rixes éclater entre bandes adverses pour le contrôle des quartiers. Une lutte à coups d'armes blanches pour s'ériger en maître des lieux afin d'acquérir le «droit» de racketter les habitants et les passagers ou de vendre sa drogue. Le vol à la sauvette, les agressions à l'arme blanche, les attaques contre les commerces et les transports en commun, se font de jour comme de nuit, devant une population impuissante et craintive. Dans la grande majorité des cas, cette délinquance est perpétrée par des jeunes dont l'âge flirte avec la vingtaine. Quoique ce phénomène ne soit pas exclusivement algérien, son ampleur impose une remise en question sévère. D'autant que plus de 70% de la population est classée jeune. C'est une formidable force de renouveau si elle est canalisée, mais mal encadrée elle devient une puissance de destruction effroyable. Or, qu'est-ce qui motive la délinquance ? On n'est pas voyou pour faire son original. C'est une manière illégale d'arriver à ses fins. «Je n'ai aucun espoir de trouver un emploi. J'ai 22 ans, mon père est retraité et j'ai quatre sœurs célibataires à la maison. Si je ne me débrouille pas une petite bricole la journée, je n'ai pas le courage de rentrer à la maison», explique un jeune pickpocket. Loin de justifier l'acte d'agression, mais à écouter les explications de ces jeunes catalogués comme «délinquants» en on arrive presque à excuser des activités condamnables. L'entrée en force de la société algérienne dans le mode de consommation «universel» a relégué sur le bas-côté de l'«émancipation» une importante frange de la population qui regarde avec frustration les autres «posséder». Devant l'absence de perspectives économiques, sociales, culturelles, sportives…, et face à la résignation de leurs pères parents, les jeunes s'engagent dans des voies toutes tracées. Couleur sombre. C'est la course à l'argent facile. Au risque de perdre son âme. «Qu'est-ce que je risque, la prison ? De toutes les façons je ne vis pas, alors passer quelques mois ou années derrière les barreaux, c'est plus clément que d'avoir à supporter ma condition d'homme libre sans ressource et sans défouloir», explique, le regard sombre, un jeune repris de justice. Le mal est donc profond. «A longueur de journée, je vois des personnes en grosse voiture, costume-cravate nous lorgner d'un regard méprisant alors que je sais que leurs biens, elles les ont acquis par la corruption et les détournements de deniers publics. Une partie de leur argent me revient de droit. Donc, je me sert», poursuit-il. Graves accusations. Par ces propos, le jeune met en avant la question de l'injustice sociale. Un facteur qui s'associe aux problèmes de chômage, le taux officiel avoisine les 10%, dont 70% concerne les jeunes, et du manque flagrant d'espaces d'échange et de loisirs. Autre cause favorisant la déviance des jeunes : la «démission» de pans entiers de la société. Les parents, les sages des quartiers, les élus locaux, les imams… jadis très respectés et écoutés, ne jouent plus leur rôle d'éducateurs ou de «résorbateurs» de tensions. Ce qui met le jeune seul face aux tentations qui finissent par l'attirer indéniablement vers les méandres de la violence et de la délinquance. Loin de justifier les violences induites par les délinquants, mais la violence est toujours une réponse à une certaine agression. S. A.