Photo : Riad Par Amirouche Yazid Staouéli est en passe de devenir la localité la plus convoitée par les familles algéroises en quête de détente et de fraîcheur. L'été est là, Staouéli attire, séduit et offre des moments de plaisir à ses visiteurs, qui rentrent chez eux avec la promesse de revenir dans quelques jours. L'idée fait dès lors son chemin : la ville ne laisse pas indifférent. Celui qui s'y rend en diurne, aura l'impression que cette petite ville abritera un grand événement populaire dans les prochaines heures. Il n'en est rien. Ni rencontre sportive ni meeting politique. Juste un «pèlerinage nocturne» des estivants. Ces derniers, avant d'accéder au cœur de la ville, doivent faire le parcours du combattant. L'indice de ce qu'ils trouveront à Staouéli est délivré par la circulation routière. L'embouteillage est immense. L'impatient est tenté de rebrousser chemin. Dans les quatre allées de l'avenue Ali Gasmi, le ton est donné avant même que les familles commencent à atterrir dans cette ville «microtouristique». Autour du carrefour principal, les cafés ne désemplissent pas comme c'est notoirement le cas à Alger. En petits groupes de trois, de quatre, les citoyens se mettent à tracer leur programme nocturne. Affichant la grande forme pour aller jusqu'au bout de la nuit, la population staouélienne semble avoir effacé la frontière séparant le jour de la nuit. La vie ne s'arrête pas. Certains diront plus : «La nuit, ici à Staouéli, est plus animée que le jour.» Un constat que vérifie chaque nouveau arrivant sur les lieux. Avant le délice des glaces, le casse-tête du stationnement. Ceux qui ne s'attendaient pas à un tel désagrément expriment leur irritation. Après avoir souffert pour trouver une place où stationner sa voiture, Hamid, un quinquagénaire, venu en compagnie de sa femme et de sa petite fille découvrir et vivre le charme de Staouéli, perd sa patience et sa sagesse. «Ce n'est pas normal qu'une ville de ce genre ne dispose pas de parking pour les visiteurs», annonça-t-il à l'adresse de sa fille qui commençait -déjà- à inspecter les services et les produits proposés par les vendeurs. Il a fallu quelques gais mots de la maman pour que Hamid oublie ce qu'il avait enduré dans la manœuvre. A une quinzaine de mètres de lui, une jeune fille subit ce qu'elle n'attendait pas. De retour d'une courte virée, elle retrouva un policier en train d'enregistrer l'immatriculation de son véhicule. Motif : une infraction au code de la route. C'était mal parti pour Amina, âgée de moins de 25 ans, tenue d'expliquer au policier qu'elle est «descendue pour une affaire de trois minutes». Les pourparlers entre les deux parties vont durer longtemps. Amina ne peut rien devant l'intransigeance de l'agent de l'ordre. On paie les frais de l'imprudence avant ceux des glaces consommées ! Aux environs de 18 heures, les employés des restaurants et des salons de glaces plantent le décor de ce qui sera une nuit riche en activités. Le personnel du restaurant le Cristal est entré dans le vif du sujet. «Nous sommes en train de mettre tout en place pour mieux accueillir et bien servir nos clients», déclare un jeune employé du Cristal. «Notre souci est de satisfaire le visiteur. Vous constatez qu'il y a beaucoup de restaurants, donc celui qui ne fait pas d'efforts à l'égard des clients sera boudé. En plus, les gens sont prêts à payer à condition d'être convaincus par la qualité du service», a-t-il ajouté. Offrant aux visiteurs un lieu spacieux et propre, le Cristal ne veut pas être devancé par ses concurrents. C'est le pari de son personnel qui compte réussir la saison estivale. 20 heures. Des familles partent, d'autres arrivent. L'ambiance gagne en animation et en convivialité. L'odeur de la grillade domine l'air et les passants succombent à la tentation. Certaines familles, arrivées en retard, attendent impatiemment leur tour devant les portes de restaurants pleins. «Dur d'attendre devant toute cette odeur irrésistible», confie, en face du Marhaba, un garçon de 12 ans, à sa mère. Les grillades et les brochettes attirent les invités de Staouéli. Même si les tarifs sont onéreux pour les petites et les moyennes bourses, les gens ne demandent pas le prix. «Je suis ici pour passer de bons moments en famille. Faute de pouvoir aller à l'étranger, je me contente de ramener mes enfants ici. Nous ne pouvons pas nous permettre de grosses dépenses tous les jours, mais nous sommes tentés, parfois, au moins de faire plaisir au petit», nous dira une femme cadre dans une entreprise. Course vers les salons de glaces Lyes sert des cornets de glace dans le salon apparemment le plus fréquenté par les visiteurs. Assisté par plusieurs coéquipiers, il est submergé par la demande. Le décor dans lequel est enveloppé son service convainc les amateurs de glace. Lyes ignore le nombre d'unités qu'il sert chaque nuit. Il l'avoue : «Beaucoup de personnes m'interrogent sur le nombre de glaces et de cornets que je vends chaque nuit. Mais j'ai appris, depuis, un conseil d'un expérimenté, à ne pas donner de l'importance à ce détail. L'essentiel est que notre activité marche.» «A quelle heure terminez-vous l'activité ?», demande un client de Lyes. Ce dernier, souriant, répond: «Ce n'est pas à moi de décider du moment de la fermeture. C'est plutôt le client. S'il est encore là à me demander de la glace, je suis tenu de répondre à sa demande. Mais je dois dire que, généralement, nous baissons le rideau au environ de 1 heure du matin.» La concurrence dans le périmètre des glaces n'est pas un vain mot. Au moment où les visiteurs effectuent des tournées tout en jetant des regards furtifs sur tous les prestataires avant de faire leur choix, le personnel des salons s'affrète à rendre le coin attractif, gai et surtout propre. Côté sécuritaire, les estivants n'ont pas à se faire de soucis. La ville est sécurisée. C'est un atout non négligeable pour que la ville demeure toujours attractive. A 23 heures, Staouéli n'est pas encore prête à baisser rideau et ses visiteurs donnent l'impression de ne pas assouvir leurs plaisirs. Ils sont visiblement disposés à aller au bout de la nuit. Surpris par le décor et l'ambiance, certains estivants, notamment des anciens émigrés, ne retiennent pas leur admiration. «Franchement, on se croit dans une ville européenne. Je n'ai pas imaginé l'existence d'endroits comme celui ici, en Algérie, et de surcroît en plein air», lance un retraité, non sans satisfaction, à l'adresse des membres de sa famille. L'ambiance a manifestement la magie de retenir tout le monde en place. Particulièrement pour ceux savent qu'ils ne reviendront pas de sitôt. Les plaisirs et les dégustations de Staouéli ne sont pas, néanmoins, à la portée de tous. Ceux qui dont le salaire ne permet pas d'y passer des moments de détente seront dissuadés au point de départ. On a l'ambition des moyens dont on dispose. Loin de la question «budgétaire», il y a des circonstances qui peuvent empêcher des gens pourtant nantis de déguster une glace à Staouéli. La raison : passé 18 heures, le visiteur se heurtera à la fermeture de tous les accès menant au centre de la ville. «La mesure a pour objectif d'éviter un désordre de la circulation à l'intérieur de la ville», expliquent les autorités locales en répondant à l'interrogation de certains estivants qui n'ont pas pris la précaution de venir un peu plus tôt.