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Une patience à bonifier
Publié dans La Tribune le 15 - 04 - 2010

Quand les banquiers n'arrivent pas à comprendre comment appliquer le taux bonifié du crédit immobilier annoncé en grande pompe par le gouvernement, il faut vraiment s'en inquiéter. Et espérer plutôt une bonification de la patience des Algériens. Entre le taux du marché et le taux préférentiel, les banquiers se perdent. Face à l'approximation du décret, il est aussi difficile de trouver beaucoup d'Algériens qui bénéficieraient de la nouvelle mesure. Ce qui confirme manifestement le fossé séparant les Algériens d'en bas avec les institutions supposées les représenter et être à leur écoute. Elaborer une loi sur une question si importante comme le logement sans tenir compte des facteurs de sa faisabilité signifie que les concepteurs du texte n'ont pas préalablement défini le profil des citoyens concernés. Nous sommes bien dans une situation inédite où des mesures gouvernementales peinent à trouver des profils concernés au sein de la population et ou la société -du moins une grande partie- est davantage tentée par une vie sans gouvernail. L'opération de relogement des habitants de bidonvilles l'atteste à plus d'un niveau. Du caractère simple de l'opération, les autorités créent des conditions du désordre. Avec une multitude d'acteurs. Si ce n'est pas les habitants «autochtones» de la localité qui s'opposent aux «arrivistes» ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui contestent la qualité des appartements ou la géographie du site. Le résultat est là, implacable : les émeutes se succèdent et les batailles rangées entre jeunes de quartiers se banalisent jusqu'à menacer l'ordre public. Une telle situation renseigne sur la rupture irrémédiable entre le citoyen et l'administration. A force d'être renvoyé bredouille pour un simple document de l'état civil, le citoyen ne croit plus à son administration locale. Il veut, pas par conviction, instaurer ses propres règles, quitte à recourir à la violence quand il s'agit de graves cas d'injustice et de mépris. La gouvernance algérienne récolte ainsi le fruit de la disparition des espaces médians et des outils de résolution des conflits. Les représentations politiques et sociales ont été vidées de leur sens. On les a substitués par le clientélisme, le passe-droit et le népotisme, lit de toutes les injustices et les inégalités. Le résultat ne peut être que troublant : entre les Algériens et leur administration, la déconnexion est totale. Plus déroutante est encore cette capacité de l'administration à adopter des lois et décrets dont l'application et la faisabilité ne répondent pas encore aux vraies attentes des citoyens, condamnés à espérer des lendemains meilleurs et à bonifier, par eux-mêmes et sans le moindre pourcentage, leur patience.
A. Y.

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