Les jeunes Algériens sont de grands consommateurs de télévision. C'est là un phénomène de société qui s'enracine dans notre pays depuis des années. En l'absence de loisirs accessibles à tout le monde, beaucoup de nos jeunes passent, en effet, le plus clair de leur temps à regarder la télé. Une passion est née depuis. Certains n'hésitent pas à parler également d'accoutumance. Mais peu importe le diagnostic car les symptômes ont pour tous la même explication : la télé est un incontournable défouloir pour nos jeunes. «Que voulez-vous qu'on fasse mis à part regarder la télé à longueur de journée ? A l'extérieur, on n'est jamais à l'abri de problèmes. Pour faire du sport, il faut connaître des personnes pour trouver une place dans les clubs et les associations. Voyez-vous, la télé est notre dernier refuge contre l'ennui et la monotonie», confie d'une seule voix un groupe de lycéens que nous avons interrogés à ce propos. A les entendre, la télé est même un compagnon. «Il y a des séries que je ne raterais pour rien au monde. Les matches de foot aussi, les clips de musique, les films, etc. La télé me soulage vraiment et me permet d'oublier ma vie routinière», témoigne Farid, 17 ans, lycéen qui passera son bac l'année prochaine. Pour ces jeunes, il est inutile de s'étaler sur les méfaits de la télé. Qu'elle soit dangereuse ou non à travers l'addiction qu'elle entraîne, la télé demeure pour eux une condition sine qua non pour une vie épanouie. D'ailleurs, dans leur chambre, il n'est pas question qu'une télévision manque au décor. Cette tendance a pris une telle dimension qu'aujourd'hui, dans les foyers algériens, on ne dénombre pas moins de 3 à 4 postes de télévision. «C'est vrai, commente Feriel, une jeune étudiante, à la maison, ma sœur et moi nous avons notre propre télé. Idem pour mes parents et mon frère. En tout, nous avons trois télés. Mais cela est tout à fait normal car chacun veut regarder des programmes différents. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas.» Pas question d'être riche donc pour équiper sa maison de plusieurs télévisions. D'autant plus qu'il est difficile pour les parents de résister aux lubies des enfants. Mais certains comprennent cette situation et n'y voient aucun mal. «Mes enfants sont jeunes et ils n'ont vraiment rien d'autre à faire que de regarder les chaînes de télévision. Les activités culturelles et sportives sont si rares dans notre pays qu'il faut être privilégié pour en bénéficier. De plus, la vie est si chère que partir en vacances reste un rêve impossible. Alors, je peux au moins leur acheter une télévision pour qu'ils puissent profiter de leurs programmes préférés», raconte Rabah, un père de famille. Comme Rabah, nombreux sont les parents à comprendre l'amour de leurs enfants pour la télévision. Même si quelquefois ils s'élèvent contre l'accoutumance, ils sont souvent compréhensifs. Et pour cause, ils voient bien comment leurs jeunes enfants sont étouffés dans une société quasiment fermée. Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner qu'une majorité de nos jeunes ne conçoivent pas la vie sans télé. D'ailleurs, selon une enquête nationale initiée par le ministère de la Jeunesse et des Sports en 2004, la télévision est à la première place des loisirs pour 73% des jeunes Algériens. En l'absence d'une réelle ouverture de la société en faveur des jeunes et de leurs préoccupations, ce constat risque d'être vérifié durant des années encore. A. S.