La conférence internationale sur le désarmement nucléaire organisée à Téhéran sur le thème : «l'énergie nucléaire pour tous, l'arme nucléaire pour personne» est venue comme une réponse du berger à la bergère après le sommet de Washington. En proposant la création d'un «organe international indépendant» afin de «superviser le désarmement nucléaire et empêcher la prolifération […]», l'Iran pose de véritables questions touchant au monde très complexe du nucléaire. Téhéran propose que «les Etats ayant l'arme nucléaire, ceux l'ayant utilisée ou ceux ayant menacé de l'utiliser» soient tout bonnement «suspendus de l'Agence internationale de l'énergie atomique [AIEA]». Les Etats-Unis se trouvant dans ce cas de figure sont particulièrement visés. La conférence iranienne a le mérite d'entamer des sujets et thématique intéressants aux yeux de pays en voie de développement notamment. Quatorze ministres des Affaires étrangères et dix vice-ministres y ont participé. Pour les Iraniens, seul le gouvernement américain a commis un crime nucléaire. Subséquemment «ce seul criminel atomique» du monde serait mal placé en se présentant lui-même comme opposé à la prolifération des armes nucléaires. L'Iran a critiqué le sommet de Washington, organisé par le président américain Barack Obama, estimant que les Etats-Unis détenaient l'un des plus importants stocks d'armes nucléaires au monde. Elément de taille durant ce sommet américain : l'absence d'Israël, détenteur avéré d'un arsenal nucléaire des plus destructeurs. Téhéran a longuement dénoncé la nouvelle politique nucléaire américaine qui n'exclut pas l'utilisation de l'arme atomique contre l'Iran et la Corée du Nord. Cependant la campagne anti-iranienne à la limite de la propagande des médias occidentaux demeure forte. Ces derniers ont couvert l'événement de façon très «particulière». La conférence internationale organisée par l'Iran ne serait qu'«un nuage de fumée» pour cacher les velléités atomiques de l'Iran. Dans les médias dominants, on ironise sur cette audace iranienne. Pourtant, Téhéran appelle de ses vœux exactement ce que le traité de non-prolifération recommande : pas d'armes nucléaires mais un usage libre du nucléaire à des fins pacifiques. Les médias occidentaux ressassent à l'envi que le président iranien Ahmadinejad est un dangereux illuminé. Pourtant, exiger un désarmement général sous la supervision d'un organe global demeure une exigence absolument objective et cohérente. A Téhéran, l'Iran a posé de vraies questions sur les relations absolument alambiquées du nucléaire sur la scène internationale : réclamer que les grandes puissances (ainsi que le prévoit le TNP) s'engagent résolument dans le désarmement, demander qu'Israël soit astreint aux obligations internationales. Cependant, l'ordre et la réalité du monde étant ce qu'ils sont, le fait de poser ces questions suffit à faire rentrer l'énonciateur dans le fameux «axe du mal». Arsenal israélien : le sujet tabou Pour beaucoup de peuples de la planète, l'image est on ne peut plus claire : il est interdit aux savants iraniens d'enrichir de l'uranium et de maîtriser le nucléaire civil et, d'un autre côté, Israël (qui occupe illégalement des terres et a mené récemment deux guerre d'agression) est autorisé à avoir un arsenal nucléaire. Pour les Iraniens, mis à part le choix de s'auto-interdire la science nucléaire, satisfaire aux exigences partiales des Occidentaux demeure très difficile. En refusant de participer au sommet du nucléaire organisé aux Etats-Unis, l'Etat hébreu confirme si besoin en est, le statut particulier dont il jouit. L'arsenal nucléaire israélien demeure bien un sujet tabou dans la doxa occidentale. Les arguments sont vite trouvés. Israël étant une «démocratie», le fait qu'il possède des armes nucléaires ne «pose pas problème». Même les amis arabes de «l'axe du bien» qui fonctionnent sur injonction de Washington, ont le plus grand mal à faire croire à une «menace perse». Imperturbable, l'Iran annonce l'installation de nouvelles usines d'enrichissement de l'uranium. Le 22 février, le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Ali Akbar Salehi, avait déjà indiqué que son pays entamerait dans l'année la construction de deux nouveaux sites d'enrichissement de l'uranium de même capacité que Natanz. L'attitude iranienne n'en finit pas d'irriter les Occidentaux. L'Iran ne dispose actuellement que d'une seule usine d'enrichissement de l'uranium à Natanz, qui peut en principe accueillir jusqu'à 50 000 centrifugeuses mais n'en abrite pour l'instant qu'environ 8 000. L'Iran a dit vouloir construire dix nouvelles usines d'enrichissement de l'uranium, en réponse à une résolution de l'AIEA condamnant l'Iran sur la base de suspicions. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine et les trois pays européens (France, Grande-Bretagne et Allemagne), membres du groupe des Six, ont récemment relancé les discussions. Sous la menace de nouvelles sanctions, l'Iran joue le jeu. Le chef de la diplomatie, Manouchehr Mottaki, a annoncé que son pays allait discuter dans les prochains jours avec les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour les convaincre de renoncer aux sanctions. La situation est stade du statu quo. L'Iran ayant refusé en octobre une proposition de l'AIEA de livrer 70% de son uranium faiblement enrichi à la Russie, qui l'aurait enrichi à 20% avant qu'il ne soit transformé en France en combustible pour le réacteur de recherche médicale. La formule n'a pas réussi à mettre en confiance les Iraniens. Prévoyant, Téhéran voudrait qu'un échange soit simultané et se fasse sur son propre territoire. Des conditions rejetées par les grandes puissances. L'Iran veut produire lui-même l'uranium enrichi à 20% dont il dit avoir besoin. Le bras de fer se poursuit et semble loin de pouvoir trouver une issue. Tout le savoir acquis par les chercheurs et spécialistes iraniens demeurera toujours «potentiellement» ouvert vers un usage militaire. Il est extrêmement difficile à une nation de demander à ses savants de se faire hara-kiri. C'est ce que les Occidentaux semblent exiger de l'Iran. M. B.