Le nationaliste chypriote turc Dervis Eroglu a remporté dimanche dernier au 1er tour l'élection présidentielle à Chypre-Nord. Une victoire qui, malgré les assurances du nouveau président élu, jetterait de l'ombre, selon certains observateurs européens, sur le processus de réunification de l'île sous l'égide de l'ONU. De l'avis général, la désillusion vis-à-vis des négociations de paix a été cruciale pour la victoire d'Eroglu. Les résultats des discussions ont laissé de nombreux Chypriotes turcs amers. Dervis Eroglu, Premier ministre sortant et chef du Parti de l'unité nationale, a donc remporté l'élection avec 50,38% contre 42,85% pour le président sortant Mehmet Ali Talat. Sa victoire a été accueillie par une explosion de joie devant le siège de son parti à Nicosie. En revanche, dans la partie grecque de Chypre, la victoire de Dervis Eroglu, si elle était attendue, a été mal accueillie. «Son élection est un développement négatif, étant donné les opinions qu'il a exprimées» dans le passé, a commenté le porte-parole du gouvernement chypriote grec. Réputé pour son nationalisme pur et dur, Dervis Eroglu a, pourtant, promis de poursuivre le processus de paix avec les autorités chypriotes grecques de la République de Chypre, reconnue au niveau international et membre de l'Union européenne. L'échec du processus de réunification à Chypre aurait en effet des répercussions immédiates sur les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, déjà en difficulté en raison notamment du problème chypriote. Pour M. Sözen, la victoire de M. Eroglu ne devrait pas mettre fin à 19 mois de négociations entre le président sortant Mehmet Ali Talat et le président chypriote grec Demetris Christofias mais pourrait ralentir le processus. Rappelons que, après des années de gel, les pourparlers en vue d'une réunification avaient été relancés en septembre 2008 par les deux présidents susnommés sous l'égide de l'ONU. Mais, 19 mois plus tard, peu de progrès tangibles ont été accomplis. De l'avis de certains spécialistes du dossier chypriote, le nouveau président devrait assouplir sa position car Ankara, qui négocie son intégration à l'Union européenne, souhaite la poursuite du processus de réconciliation. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a d'ores et déjà prévenu que son pays maintiendrait son appui aux pourparlers de paix et s'emploierait à parvenir à une solution pour l'île avant fin 2010. Son ministère des Affaires étrangères a souligné dans un communiqué les «rapports spéciaux» unissant la Turquie et la RTCN en louant la volonté d'Eroglu de négocier, une mise en garde à peine voilée, selon les observateurs. La partie chypriote grecque entend bloquer toute adhésion de la Turquie à l'UE en l'absence de règlement. Chypre, rappelons-le, est divisée depuis 1974 et l'intervention militaire turque dans le Nord après un coup d'Etat fomenté par des nationalistes chypriotes grecs soutenus par Athènes et visant à rattacher l'île à la Grèce. Le soutien à la partie nord de Chypre coûte plus de 500 millions d'euros par an à la Turquie, qui a 30 000 militaires déployés sur ce territoire de 3 500 km2, soit un peu plus du tiers de la superficie totale de l'île.