De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Trente ans après, l'événement qui symbolise la date phare des luttes démocratiques, des libertés d'expression et du combat identitaire pour la reconnaissance du caractère officiel de la langue et de la culture amazighes, est marqué par la décrépitude. Face à une régression inquiétante du mouvement associatif et le découragement des anciens animateurs qui étaient sur le devant de la scène du combat, même durant les années sanglantes du terrorisme, la symbolique du Printemps berbère 1980 tend à s'effilocher sous le poids des préoccupations et des contestation sociales, ainsi que du marasme social engendré par le chômage, la crise du logement, le manque de prise en charge sanitaire et les conflits incessants qui couvent le secteur de l'éducation. Face à cette situation de grisaille, on se demande quelle idée pourraient se faire des jeunes nés pendant les événements du 20 avril 1980. Le seul souvenir qui reste dans leur esprit c'est la terreur, le mal vivre et l'absence d'espaces d'expression. Pendant ce temps, les voix et les courants qui avaient porté alors le flambeau des luttes démocratiques sont réduits au silence sinon enrobés dans un moule qui cultive la culture de l'amnésie. Un grand nombre de ces jeunes gardent en mémoire les sanglants événements du printemps noir pour lequel ils se déclarent fiers d'avoir pris part et déplorent le fait que ces événements n'ont pas eu d'impact sur la société. Tout de même, ces derniers, actuellement à l'université ou à la recherche d'un emploi, n'hésiteraient pas à revenir pour battre le pavé, clamer les revendications et les exigences exprimées durant des années et entonner des slogans qui rappellent cette date du 20 avril 1980, voulue par certains comme une véritable halte au cours de laquelle il sera question d'une célébration pas comme les autres. En effet, la commémoration de cette année se fera aussi à travers des marches, expositions et conférences organisées au quatre coins de la wilaya par des partis politiques et le mouvement associatif. Pour le RCD, l'essentiel des festivités aura lieu au niveau du chef-lieu de wilaya, où une marche est prévue depuis le stade Bourouba jusqu'au siège de la wilaya. De plus, des conférences seront animées par des cadres de ce parti autour de cet événement et les questions d'actualité qui agitent la société. Du côté du mouvement né des événements du Printemps noir il est annoncé une autre marche avec un parcours différent de la première, avec une exposition de photos et coupures de presse au niveau de la place des Martyrs de Bouira. En somme, en plus du sentiment d'amertume engendré par les déconvenues organisationnelles, s'est ajouté un temps pluvieux qui pourrait plonger cet événement dans la grisaille. En dehors des militants du mouvement, qui ont choisi d'opter pour l'activité politique, nombreux sont parmi les animateurs les gens qui se sont interrogés sur les causes de ce déclin. Le même constat a déjà été fait lors de la commémoration de l'année dernière, célébrée en rangs dispersés du fait des dissensions apparues au sein des différents comités citoyens de la coordination de wilaya qui, depuis les événements d'avril 2001, ont voulu monopoliser les activités en relation avec le double anniversaire du printemps berbère. Les citoyens qui sont déjà éprouvés par un marasme social n'arrivaient pas à différencier entre le discours obnubilant et déroutant de «oulach smah oulach, le combat continue», dans une conjoncture dominée par la fermeture du champ politique et la résurgence de certains esprits qui veulent tirer profit des derniers résidus du champ démocratique afin d'assouvir leurs intérêts personnels. Au niveau de la wilaya de Bouira, dans une ambiance préélectorale, le reste des délégués des comités citoyens qui continuent de s'opposer aux partis politiques en parasitant la scène avec des slogans creux tout en accumulant les discrédits, ont essuyé vendredi dernier un autre échec sur la place publique, à l'occasion de la marche qu'ils ont organisée dans le cadre de la célébration du 20 Avril. De nombreux citoyens pensent qu'il est grand temps que ces délégués rentrent chez eux et pour toujours.En plus de cette ambiance, il faut signaler que cette année, des initiatives ont émergé dans les rangs des intellectuels, des universitaires et des animateurs du mouvement berbère, non pas pour s'aligner sur le programme événementiel et officiel concocté par la direction du secteur pour la circonstance, mais surtout de faire l'état des lieux et sortir avec des recommandations qui puissent impulser une certaine dynamique et donner un nouveau souffle à la question amazighe dans le pays. L'idée est de rassembler le maximum de cadres intellectuels, chacun dans son domaine, afin de réfléchir ensemble sur la situation actuelle de tamazight en tant que langue, culture et civilisation, notamment concernant l'édition de livre amazigh et l'enseignement de cette langue dans les établissements scolaires.