Beaucoup de dirigeants politiques se sont appuyés sur Tamazight pour contrer la mouvance islamiste radicale. Indissociable de toutes les luttes démocratiques de l'Algérie indépendante, la revendication identitaire passe pour être le dénominateur commun des militants démocrates algériens, indépendamment de leurs opinions politiques. Survenue bien avant l'indépendance, à travers la fameuse crise berbère de 1949 qui a influé, d'une manière ou d'une autre, sur le mouvement nationale pour l'indépendance, Tamazight est revenue au-devant de la scène nationale, un certain 20 avril 1980, après plusieurs décennies d'étouffement de cette dimension de l'identité algérienne, par les cercles pro-baathistes au sein même du pouvoir politique. Et c'est dans un environnement très hostile où le discours officiel occultait toute référence à l'amazighité de l'Algérie, que les premières expressions publiques de la colère citoyenne contre l'unicité de pensée ont éclaté en Kabylie. Les Algériens qui, à l'époque, trouvaient encore insensé de s'opposer au pouvoir central, ont découvert qu'il était possible de manifester pacifiquement, même si le régime opposait une force de répression disproportionnée. A l'époque déjà, les observateurs ont retenu le caractère démocratique du discours développé par les animateurs du Mouvement culturel berbère qui, au-delà de la revendication strictement culturelle, mise en avant, ont posé la problématique des libertés démocratiques dans l'Algérie du parti unique. Le Printemps berbère a su imposer des concepts nouveaux dans un paysage politique sclérosé. En effet, les grèves générales, les marches, les sit-in et les commémorations des événements de 80 se sont poursuivis tout au long de la décennie en Kabylie qui, de fait, est devenue le porte-flambeau des luttes démocratiques en Algérie. La revendication identitaire, même si elle n'avait pas été satisfaite en ce temps-là, a constitué le point de départ d'un véritable comportement citoyen. Tamazight a également été présente, voire elle a renforcé l'ouverture de l'Algérie à la pluralité politique, en octobre 88, en donnant au pays une génération de démocrates qui ont fait leurs premières armes dans le combat identitaire. Et ce sont ces militants qui ont semé l'espoir d'une Algérie démocratique face à la montée en puissance de l'hydre intégriste. Ainsi, après avoir résisté au courant arabo-baathiste, beaucoup de dirigeants politiques se sont appuyés sur Tamazight pour contrer la mouvance islamiste radicale qui, elle aussi, prônait l'unicité de pensée et réservait au pays un avenir noir au plan des libertés démocratiques. Le combat au quotidien des militants démocrates dans les sombres années de sang a permis à la nation d'entrevoir une autre issue que l'obscurantisme islamiste. Tamazight a constitué, en plein drame national, un élément moteur pour l'émancipation de la citoyennenté. On en a pour preuve, la fameuse grève du cartable qui réclamait l'entrée de Tamazight à l'école. Quoi qu'on dise de cet épisode de la vie de la nation, il y a lieu de reconnaître qu'il a débouché sur la création du Haut commissariat à l'amazighité et prouvé que le combat pacifique, même s'il est lent et ardu, fait inexorablement avancer la société. Et pour cause, les Algériens ont assez bien accueilli l'avènement du HCA. Une institution de la République dont la mission est la promotion de l'identité amazighe au sein de la société. Même si les acteurs divergent sur l'efficacité du HCA, il n'en demeure pas moins qu'il symbolise une reconnaissance de l'Etat de cette dimension de l'identité nationale qui est entrée dans la Constitution de 1996. Les douloureux événements du Printemps noir ont eu pour point d'appui, la revendication identitaire. Ils ont débouché sur le renforcement de la place de Tamazight dans la Constitution, en tant que langue nationale, et dans le système éducatif. Mais ils ont également confirmé l'utilité du combat citoyen. Sans Tamazight, toutes les avancées démocratiques du pays auraient sans doute pris beaucoup plus de temps. Force est de reconnaître donc, que les succès remportés par cette revendication, au fil des générations, ont charrié avec eux une évolution de la pensée politique dans le pays. Aujourd'hui, 26 ans après le Printemps berbère et 5 ans après le Printemps noir, Tamazight peut-elle encore constituer l'élément moteur de la démocratie en Algérie? La question mérite d'être posée.