Synthèse de Hassan Gherab Un nouveau nuage de cendres du volcan islandais Eyjafjöll (ou Eyjafjallajokull) se dirige vers la Grande-Bretagne, ont annoncé les autorités aéronautiques britanniques. «L'éruption du volcan en Islande s'est intensifiée et un nouveau nuage de cendres se répand au sud et à l'est en direction de la Grande-Bretagne», ont déclaré les services nationaux du trafic aérien (NATS) qui gèrent l'espace aérien britannique. «Les dernières informations en provenance des services météorologiques montrent que la situation empire dans quelques zones», a déclaré le NATS dans un communiqué. Les derniers développements montrent que «les conditions sur lesquelles on travaille changent rapidement et d'une façon dynamique», ont déclaré les autorités aéronautiques. Le volcan islandais n'a en effet toujours pas cessé de cracher ses cendres. D'après l'Institut météorologique islandais, l'éruption volcanique aurait diminué d'intensité mais pourrait se poursuivre encore quelques jours. Mais il est impossible de connaître l'évolution d'une telle activité. Certains géologues affirment ainsi a contrario qu'elle se renforce et pourrait devenir plus importante dans les prochains jours. Hormis les économistes et analystes qui s'inquiètent des répercussions sur les économies des pays que le nuage de cendres survole et dont il a paralysé les transports aériens, les scientifiques s'intéressent également à ces cendres volcaniques transportées dans l'air pour confirmer, infirmer ou relativiser leur dangerosité sur la santé. Les avis convergent vers la relativisation. Les cendres volcaniques ne sont pas dangereuses pour la santé, mais, ou sauf… L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé hier que le nuage de cendres n'est pas dangereux pour la santé au-delà des zones proches du volcan islandais. Selon le Dr Carlos Dora, la surveillance de la qualité de l'air montre que la pollution n'atteint pas le sol dans une majeure partie de l'Europe. Cette situation atmosphérique inédite pourrait néanmoins poser des problèmes aux personnes souffrant de difficultés respiratoires chroniques. «Toute matière volatile inspirée est dangereuse, nous sommes par conséquent préoccupés, mais nous n'en savons pas plus. C'est très dangereux pour la santé parce qu'une fois inhalées, ces particules peuvent atteindre la périphérie des bronchioles et des poumons et poser des problèmes, en particulier aux personnes atteintes d'asthme ou de difficultés respiratoires», a ajouté l'OMS. Ce message tranche toutefois avec celui que l'organisation, appliquant le principe de précaution, avait livré vendredi dernier et dans lequel elle a appelé les Européens à rester chez eux si des cendres du volcan commençaient à stagner ou à porter des masques. Cette alerte n'a toutefois pas trouvé écho chez d'autres spécialistes qui ne sont pas convaincus que le nuage puisse avoir un effet majeur sur la santé, et ont jugé les mises en garde de l'OMS exagérées. Ils diront que les cendres volcaniques sont beaucoup moins dangereuses que la fumée de cigarette ou la pollution. Pour qu'une alerte sanitaire soit lancée, il faudrait que des éléments constitutifs du nuage soient respirés, ou qu'ils se mélangent à la couche d'air d'une épaisseur de quelques centaines de mètres au-dessus du sol. Seule, semble-t-il, cette situation soulèverait des problèmes sanitaires (humains et vétérinaires) et environnementaux. A ce propos, le Dr Stephen Spiro, professeur de médecine respiratoire et vice-président de la Fondation pulmonaire britannique, dira que plus les particules voyagent, plus elles sont diluées et moins elles sont dangereuses. Aussi a-t-il estimé qu'en l'état actuel de la situation, porter des masques ou rester chez soi pour éviter de respirer des particules de cendres était «exagéré» et «un peu hystérique». «Les cendres volcaniques ne sont pas si nocives», affirmera pour sa part le professeur de toxicologie respiratoire à l'université d'Edimbourg, Ken Donaldson, qui a étudié l'impact de la cendre volcanique sur des populations. Selon lui, l'exposition aux cendres devrait être négligeable pour la plupart des Européens et seuls ceux qui vivent dans le voisinage proche du volcan sont susceptibles de courir un risque. «Une fois que les particules sont dans la stratosphère, elles sont massivement diluées», explique le professeur. Après de précédentes éruptions volcaniques, peu d'effets ont été observés sur la santé, sauf chez les personnes souffrant de problèmes pulmonaires qui se trouvaient près du volcan, a-t-il ajouté. «Les gens qui ont des problèmes de santé ne devraient pas rester à l'extérieur [...] car il y pourrait y avoir des particules microscopiques qui retombent», renchérit le Dr Pascal Imperato, doyen de l'école de santé publique du Centre médical Downstate de l'université de New York. «Mais la plupart des gens ne rencontreront pas de problème majeur de respiration ou d'autres difficultés.» Ces avis sont partagés par le Pr Bruno Frachet, chef du service ORL à l'hôpital Avicenne de Bobigny, qui dira que «le nez existe pour filtrer et protéger les poumons. A condition, bien sûr, qu'il s'agisse d'un nez en bonne santé. Celui des fumeurs a une capacité de filtrage de mauvaise qualité, de même que ceux des malades atteints de pathologies nasales, de type rhinopathies chroniques ou allergies». Le Pr Bruno Housset, président de la Fédération française de pneumologie et chef du service de pneumologie du centre hospitalier intercommunal de Créteil, rappelle les études menées après l'éruption du mont Saint Helens. Des médecins avaient surveillé les poumons d'enfants en camps de vacances alors qu'il y avait 1,2 cm de cendres au sol. Ils n'ont rien trouvé. Même chose pour les asthmatiques : aucune différence notable n'avait été observée. Le danger, relatif, ne donc peut venir qu'avec des particules trop fines qui pourraient passer la barrière du nez et aller dans les poumons. Mais pour l'instant, le nuage vole très haut : entre 6 000 et 10 000 mètres d'altitude. De plus, «si les cendres descendent à un niveau respirable pour l'homme, il faudra observer leur taille pour se prononcer sur une éventuelle dangerosité», relève le Pr Michel Aubier, chef du service pneumologie à l'hôpital Bichat de Paris. Car au-delà de 10 microns, les particules restent majoritairement dans le nez. Pour pénétrer profondément dans le poumon, elles doivent être inférieures à 5 microns. Au cours de leur déplacement dans l'atmosphère, les plus grosses cendres tombent au sol et ce sont les plus fines qui sont transportées à grande distance. «Au-delà d'une centaine de kilomètres de distance du cratère, il est peu probable d'avoir des cendres de taille supérieure à 50 microns. Elles seront très petites et diluées dans l'air», explique Benoît Villemant, professeur de géochimie à Paris-VI et membre de l'Institut de physique du globe. Ces particules sont principalement composées de silicium, d'aluminium, de fer, de magnésium et d'oxygène. «Or les cendres dangereuses pour la santé sont celles qui comportent de la silice sous forme indépendante, comme la cristobalite. Elles ont alors une action agressive dans les poumons. On en trouve dans les volcans, aux Antilles notamment. Mais dans le cas du volcan islandais, les cendres ne contiennent pas de silice indépendante», précise M. Villemant.