L'histoire de l'Algérien avec la voiture est une relation passionnée. Pleine de fantasmes, de frustrations et d'anecdotes. Elle remonte aux années 1980, quand, pour acheter un véhicule, le commun des mortels était soumis à un véritable parcours du combattant. A commencer par l'obtention du fameux sésame auprès de la défunte Sonacome. Entre-temps, l'infortuné candidat à l'acquisition d'un véhicule de tourisme ou utilitaire devait faire le pied de grue après avoir pris son mal en patience des années durant. Son tour arrivé, il ne pouvait choisir ni la marque ni le type, encore moins la couleur du véhicule. Les plus heureux ont été gratifiés par l'arrivée des légendaires véhicules asiatiques assemblés sur des bateaux. Le prix des Honda Civic et Wagon oscillait entre 55 000 DA et 60 000 DA. La mémoire retiendra que les élus de la nation avaient été dotés de véhicules luxueux. Les citoyens avaient acquis des marques italienne, Fiat Ritmo, ou yougoslave, Zastava. C'était la boîte à Pandore, en quelque sorte. Ceux qui ont vécu cette mésaventure ont plein d'anecdotes à raconter. A l'exemple de ce citoyen qui a pris un fourgon tollé à défaut d'une voiture familiale pour les besoins de sa nombreuse progéniture. Le monopole de l'entreprise nationale chargée de l'importation, DVP, a eu pour effet l'accumulation des demandes, créant ainsi des situations ingérables ouvrant la voie aux passe-droits et à la frustration chez nos concitoyens. L'entreprise étatique achetait et distribuait les véhicules selon un ordre de priorité, où le simple citoyen se retrouvait en bas de l'échelle, après les fonctionnaires, les chauffeurs de taxi, lesquels pouvaient pourtant se procurer des devises pour l'acheter à l'étranger. Ce type d'organisation, digne des économies dirigées, à défaut d'arranger les choses, a fini par les compliquer davantage. Le citoyen n'était pas au bout de ses peines. L'autorisation d'importation de véhicules, avec des taxes réduites selon le taux d'invalidité, connue sous le sigle AIV, accordée aux anciens moudjahidine et veuves de chouhada, a fait les beaux jours de quelques-uns. Cette mesure a été révisée dans le sens de la suppression de ce droit à la deuxième catégorie de bénéficiaires. L'importation de véhicules de moins de trois années, elle non plus, n'a pas fait long feu. Les potentiels acquéreurs de véhicules automobiles s'étaient rabattus sur le marché de l'occasion. Tidjelabine, une contrée jadis perdue, est sortie de l'anonymat grâce à son marché florissant, où toutes les règles de la commercialité sont bafouées au profit d'intermédiaires et de trusts automobiles ayant élu domicile. Ce n'est que lorsque le pays a amorcé sa mutation vers l'économie de marché que les concessionnaires automobiles ont été autorisés à s'installer. Une relation directe s'est ainsi instaurée entre concessionnaires et clients. Dans la précipitation, des agréments sont accordés à des concessionnaires et à des filiales des grandes marques. Au Conseil de la monnaie et du crédit, l'étape est à l'encouragement tous azimuts de ces derniers à prendre place auprès des asiatiques présents durant les années difficiles qu'a connues le pays. Le marché de l'automobile a connu une anarchie indescriptible, où le client a perdu le plus basique de ses droits. Le pays s'est transformé en réceptacle d'objets roulants non identifiés (ORNI). Les routes algériennes, elles, ont été investies par les voitures chinoises, qui, de l'aveu des malheureux propriétaires, se sont transformées en véritable «corbillards roulants». En témoigne la vertigineuse ascension de l'Algérie dans le premier carré des pays où les accidents de la circulation provoquent le plus grand nombre de décès. Là où le bât blesse, c'est que même les filiales des grandes marques se sont mises de la partie en inventant le concept de «véhicules adaptés aux pays émergent, qui ne répondent ni aux spécifications techniques ni aux normes des pays d'origine. Ainsi, chercher le service après-vente et la pièce de rechange d'origine relève carrément de l'impossible. L'Etat était face l'obligation de mettre de l'ordre dans ce marché dont le contrôle lui échappait totalement. D'où la promulgation d'un décret exécutif qui fixe un certain nombre de règles à suivre, de façon à sauvegarder les intérêts du consommateur et ceux des concessionnaires. Des garanties sont offertes au client, à l'instar de l'homologation technique des véhicules mis sur le marché, de la garantie du service après-vente et de la fixation à 10% du prix du véhicule de l'avance fournie par le consommateur algérien. Tous les espoirs étaient permis dans cette nouvelle phase de restructuration du marché automobile jusqu'à ce qu'ils soient remis en question par l'institution d'une taxe sur l'achat des véhicules neufs. Devant les répercussions attendues sur les prix du neuf, les Algériens seront-ils contraints de se rabattre à nouveau sur les véhicules d'occasion ? Pour toute réponse, on doit avoir en mémoire que nos routes continuent à tuer en toute impunité, en dépit du fameux contrôle technique. Mais là, c'est une tout autre histoire. A. R.