Avec quels bagages intègrent les journalistes le monde de la presse et avec quels moyens entament-ils leur parcours professionnel ? Ce sont là des questions qui nous amènent à évoquer en cette date commémorative de la journée de la liberté de la presse l'aspect lié à la formation des journalistes. Etre diplômé de l'Institut des sciences de l'information et de la communication (ISIC) ou d'une autre école privée spécialisée en journalisme ne va pas forcément vouloir dire que l'on est admis à embrasser une carrière journalistique. Entre la théorie et la pratique, il y a un fossé. Ils sont en effet nombreux les journalistes à avoir débarqué dans des rédactions avec comme seule arme un diplôme en journalisme. C'est à partir de là que l'on commence à découvrir le déphasage entre la théorie et le terrain. «Finalement, tout s'apprend sur le tas», reconnaît à ce sujet une jeune journaliste diplômée de l'ISIC. Et un autre confrère de renchérir : «Les programmes dispensés ne sont pas actualisés et ne sont pas adaptés aux changements opérés dans le monde du journalisme.» Mais qu'en est-il justement au niveau des rédactions et quelles places occupent réellement les diplômés de l'ISIC ? Un petit tour à travers les rédactions nous permet de constater que la majorité des journalistes sont formés ailleurs qu'à l'ISIC d'où sortent annuellement environ 1 000 diplômés. Ils sont, pour la plupart d'entre eux, issus des instituts des langues, des sciences politiques, des sciences sociales mais surtout des filières techniques et scientifiques. On retrouve en effet dans les rédactions centrales des ingénieurs en informatique ou en génie civil, des titulaires de diplômes d'études supérieures (DES) en sciences exactes et de bien d'autres spécialités qui n'ont finalement rien à voir avec le journalisme mais qui réussissent en parallèle dans leur carrière. Les connaissances liées aux techniques de rédaction et à l'écriture journalistique sont acquises graduellement. Qu'est-ce qui aide cette catégorie de journalistes à se frayer un chemin dans le monde de la presse ? «C'est l'esprit de synthèse et d'analyse», explique un éminent journaliste de la presse nationale qui a entamé son parcourus journalistique au début des années 1980. Ils sont nombreux à partager cet avis. D'ailleurs, une étude dans dix wilayas par le professeur Redouane Boudjemaa, conférencier à la faculté des sciences politiques et de l'information a montré que 60,44% des correspondants locaux (165 sur 273 journalistes) n'ont pas reçu de formation spécialisée en journalisme Selon les résultats de cette étude, qui remonte à mai 2004, 108 correspondants, soit 39,56%, ont été formés en journalisme, que ce soit à l'université ou dans des écoles privées, dont le nombre a augmenté ces dernières années. A titre illustratif, 65% des correspondants de Béjaia n'ont pas été formés à l'école du journalisme mais dans d'autres instituts ou facultés de l'enseignement supérieur. Et ce, contre 56,7% à Tipasa, 45% à Chlef et 66,66% à Bouira. Parallèlement, 25% des correspondants n'ont pas au niveau universitaire. Chlef et Bouira viennent en pôle position avec respectivement 40 et 33,34% des journalistes non universitaires. Ces chiffres, même s'ils datent de 2004 (la situation n'a pas évolué depuis), montrent globalement qu'en matière de formation, beaucoup reste à faire. Même au niveau des rédactions, l'encadrement fait défaut et la formation reste toujours le maillon faible de la chaîne. S. I.