Photo : Slimene S.A. Des éditeurs de la presse nationale, journalistes et enseignants universitaires se sont rencontrés, samedi soir, au siège du quotidien Djazaïr News pour débattre de la conjoncture actuelle de la profession et porter, chacun selon sa propre vision, des critiques sur la corporation après «19 ans d'existence de la presse privée » pour reprendre le constat de la majorité des intervenants. Rencontre qui s'inscrit dans le cycle de conférences-débats initiées par le quotidien précité pour ce mois de Ramadan. Omar Belhouchet, ex-journaliste au quotidien El Moudjahid et actuellement directeur du quotidien indépendant El Watan, était le premier intervenant au débat de cette rencontre. «Le bilan de la presse en Algérie, après un parcours de 19 ans, est globalement négatif», indique-t-il. Pour étaler son constat, il avance trois facteurs : la censure, le monopole de l'audiovisuel et l'«engrenage» économique et financier auquel sont confrontés certains titres de la presse nationale. «Il y a peu de journaux qui arrivent à faire face aux factures d'imprimerie», a-t-il soutenu. Côté professionnalisme, M. Belhouchet souligne que les 75 quotidiens existants font de l'information générale mais « en termes d'expression, nous ne sommes pas à la hauteur », dira-t-il ajoutant dans la foulée que « le travail journalistique a beaucoup reculé ». Volet organisationnel, le gérant d'El Watan trouve rare de voir une profession aussi divisée « alors que les 75 journaux existants devraient constituer une force de frappe ». Point de vue partagé par le directeur du journal arabophone Echourouk, Ali Fodil, qui soutient que « professionnellement, nous ne sommes pas organisés ». Cet intervenant estime que le recul de la presse est dû aux champs médiatique et politique fermés. Moins pessimiste, Abrous Outoudert, directeur de Liberté fait état d'un verre à moitié vide. Restant, cependant, dans le même esprit de « 19 ans de presse en Algérie », M. Outoudert cite l'exemple du Soir d'Algérie qui vient de souffler sa 19e bougie. « Avoir un titre qui continue de paraître depuis 19 ans est déjà un acquis pour la presse. Peu de journaux l'ont fait ». Le représentant de Liberté constate que la majorité des titres « indépendants » sont nés durant la période noire et regrette l'absence de formation de journalistes d'investigation. Il note, sur un autre registre, le volet social de la presse qu'il faut organiser et appelle le Conseil de l'éthique et de déontologie à être efficace dessus. RAPPEL À L'ORDRE Ce débat, jusqu'ici à sens unique-puisque seule la presse privée ou indépendante est évoquée par les animateurs dans leurs interventions-a été, par la suite, mis sur les rails et mieux orienté pour éclaircir l'assistance sur le domaine de la presse en Algérie. Ayant pris la parole, la directrice du journal Horizons, Naama Abbas, rappelle que la presse nationale n'existe pas depuis 19 ans et ne date pas de 1990. L'intervenante s'interroge sur l'ignorance, tout au long du débat, de la presse publique qui existe bel et bien sur le marché médiatique, alors qu'elle (la presse publique), « a mené le même combat et payé un lourd tribut », rappelle encore Mme Abbas. « Où allons-nous ? Quelle presse voulons-nous avoir ? », s'est demandée la directrice devant ses homologues directeurs et confrères journalistes. Evoquant la conjoncture actuelle de la profession, elle constate que la presse d'expression française est menacée du fait que son lectorat se réduit de plus en plus. Sur le plan socioprofessionnel, la représentante de la presse publique parlera du le volet carrière du journaliste qui est à prendre en considération, puisque, constate-t-on, « il y a des éditeurs qui gèrent leurs journaux dans le contenu et non en tant qu'entreprises de presse ». Rappelant un phénomène, réputé dans la presse privée notamment, un journaliste intervenant au débat, dit qu'« il y a des éditeurs de presse qui ne déclarent pas leur personnel à la sécurité sociale ». Voulant s'en prendre à la presse publique, un ancien de la presse nationale souligne que « la presse publique ne doit pas exister dans un Etat de démocratie ». Oublie-t-il ou feigne-t-il l'existence des médias publics dans des Etats les plus démocratisés au monde ? A titre de rappel à l'ordre, Saâd Bouakba, un professionnel de la presse nationale, note que les rares journaux privés ayant connu du succès ont été fondés par des journalistes issus de la presse publique. Pour ce professionnel, le recul qu'enregistre aujourd'hui la presse se manifeste par l'absence du feed-back de l'information donnée. Par ailleurs, si Mme Naama Abbas voit la presse francophone menacée, Mme Heda Hezzam, directrice du journal arabophone El Fedjr, dira que « le professionnalisme dans la presse algérienne se trouve beaucoup plus dans les journaux francophones ». En somme, pour le bien de la formation, des intervenants au débat du quotidien Djazaïr News proposent, avec la collaboration de l'ensemble des entreprises de presse, la création d'un institut de recyclage pour les journalistes.