Une étude socioprofessionnelle réalisée par l'universitaire Redouane Boudjemaa révèle plus d'une vérité sur le métier du journaliste correspondant en Algérie. Fruit d'un travail de terrain, qui a ciblé la catégorie dans 10 wilayas, le livre, dans sa deuxième partie, aboutit à des vérités que nul ne peut contester. L'enquête a traité diverses questions qui concernent le correspondant local : son âge, sa formation, les rapports qu'il entretient avec les autorités locales et bien d'autres points. Les résultats auxquels est parvenu l'auteur de l'enquête attestent les conditions très défavorables dans lesquelles exerce le journaliste correspondant. Si l'enquête de Redouane Boudjemaa date de la mi-2004, ses indications semblent toujours valables dans le sens où la corporation a été plutôt stagnante depuis son ouverture au privé si l'on excepte quelques rares faits marquants, mais qui sont loin de chambouler la configuration du champ médiatique national notamment dans sa dimension territoriale. Les conditions de travail du journaliste correspondant n'ont pas changé : celles de 2004 sont identiques à celles de 2010. Celles de 2004 ne diffèrent pas de celles de 2000. Dans le volet réservé au salaire du journaliste correspondant, l'étude socioprofessionnelle menée auprès de 372 personnes exerçant le métier illustre jusqu'où peuvent aller des patrons de presse, qui, manifestement, conçoivent la presse sans journalistes. Les chiffres sont plus qu'éloquents. 58% des correspondants perçoivent du salaire national minimum garanti. 160 correspondants touchaient moins de 10 000 dinars en 2004 ; 10% seulement dépasse une mensualité de 15 000 dinars. L'auteur du livre conclut que les salaires des correspondants locaux sont très faibles. Un constat qui exclut toute exigence professionnelle où la liberté d'exercice est une condition sine qua non. La misère et le mépris que subit le journaliste de province ne se réduit pas à la question du salaire. La précieuse étude livre d'autres vérités aussi déroutantes que les premières. Elle indique en effet que 57% des correspondants ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. Cette situation pose, selon l'auteur du livre, la problématique de l'absence de garanties juridiques pour le correspondant pour qu'il puisse faire face aux dangers auxquels il est quotidiennement exposé. Les menaces qui guettent le journaliste se terminent parfois dans la douleur. Certains n'ont trouvé que le suicide comme ultime solution. D'autres ont préféré carrément abandonner le métier pour aller travailler ailleurs. Les éditeurs, qui reconnaissent cette situation, n'ont rien fait, pendant les vingt ans d'existence de la presse privée, pour améliorer les conditions de travail des correspondants. L'étude effectuée par Redouane Boudjemaa a ainsi le mérite de quantifier les dérives marginales et parfois visibles des éditeurs qui ne cessent de parler de la liberté de la presse où les conditions de l'exercice du métier en sont inexistantes. Evaluer le chemin parcouru par la presse privée durant 20 ans ne saurait se faire sans intégrer ce lourd postulat qui dit que 58% des journalistes correspondants touchent des salaires inférieurs au SNMG. Si les «chantres frelatés» de la liberté d'expression ne sont pas convaincus, il faut leur rappeler que 57% ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. A. Y.