Le recul des libertés publiques, et plus spécialement de la liberté d'expression en Algérie, s'accompagne de la dégradation des conditions de vie et de travail des journalistes. Vulnérables politiquement face aux harcèlements de la justice, les journalistes sont également vulnérables socialement et financièrement. Selon les chiffres officiels de la Direction de la presse écrite au niveau du secrétariat d'état chargé de la communication pour l'année 2009, on constate une forte augmentation du nombre de titres des médias sur la scène nationale au cours des dix dernières années. On dénombre 79 quotidiens, dont 40 arabophones et 39 en langue française. Ces 79 titres parviennent à écouler près de 2,4 millions d'exemplaires par jour sur les 2,5 millions au total des publications. Il n'en demeure pas moins que ce boum n'a eu qu'un effet illusoire sur les salaires des journalistes.En effet, selon les chiffres officiels et ceux des médias, 60 pour cent des journalistes sont payés moins de 250$, 30 pour cent sont payés entre 250$ et 350 $ par mois. Les 10% restant gagnent plus de 350$. Seuls les vétérans ou les personnes occupant des postes de responsabilité au sein de la rédaction centrale dans les grands quotidiens ou dans les chaînes de télévision et radios bénéficient de bons salaires qui ne dépassent cependant pas 1000$. Par ailleurs les directeurs de journaux arrivent à gagner environs 2000$ par mois. D'après le rapport du monitoring des Médias* réalisé à l'occasion des élections présidentielles par la ligue algérienne de défense des droits de L'homme » LADDH » : « Ces chiffres font référence au phénomène de la pauvreté et la misère sociale vécues par les journalistes en Algérie. Ce grand écart entre salaire des éditeurs de journaux et les journalistes explique, en partie, la différence entre la perception de la liberté par les éditeurs et leur intérêt pour les revenus générés de la publicité. Tout en laissant les journalistes se débattre dans les difficultés professionnelles et l'exigence de se conformer à l'éthique du métier et la nécessite de faire face à la misère, la répression et les procès». Quant aux journalistes correspondants dans les différentes régions et villages d'Algérie, ils endurent un quotidien de plus en plus compliqué. Leurs situations professionnelles et sociales ne cessent de péricliter. Une récente étude universitaire et une enquête sur le terrain ont révélé que plus de 85% des correspondants sont payés moins de 150 $ par mois. Plus de 75 pour cent d'entre eux ne bénéficient même pas d'une assurance maladie souligne Boujemaa Redouane, professeur à l'université d'Alger et rédacteur du rapport Monitoring des Médias. Aziz, correspondant d'un quotidien régional, nous a assuré que la rémunération de ses « papiers » ne couvre quelquefois même pas ses frais de déplacement. Les articles des correspondants sont en général rémunérés entre 3 et 9 $ souligne Aziz avec amertume. Lyazid khabar correspondant d'EL Watan à Bouira, déclare que « l'autocensure (un fait avéré) devient un exercice auquel sont soumis pratiquement tous les journalistes correspondants locaux, chacun suivant sa position dans la société et dans les arcanes du pouvoir local » et plus de 60 pour cent s'auto-censure par crainte de poursuites et de pressions a-t-il ajouté. Au Maroc ce boum des ventes de journaux n'a pas encore eu lieu. Leur nombre est très loin de celui de l‘Algérie. A titre d'exemple, « EL Watan »* à lui seul arrive à vendre plus que tous les titres francophones de la presse marocaine réunis. Paradoxalement, les salaires des journalistes au Maroc sont beaucoup plus élevés que ceux de leurs homologues algériens. Un journaliste qui débute à « L'Economist »* est payé au minimum 700$. Deux fois plus qu'un journaliste confirmé à « EL Watan »*. Comment peut-on expliquer qu'un quotidien comme « L'Economiste »* qui arrive difficilement à vendre 20 000 exemplaires par jour rémunère aussi bien ses journalistes, alors que « EL Watan » – qui vend sept fois plus – accorde des salaires dérisoires ? Difficile de savoir à quelle logique obéissent les patrons de presse en Algérie. * Rapport réalisé pendant le compagne électorale des élections présidentielles du 09 avril 2009 par la ligue Algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) en partenariat avec le Groupe de travail Arabe pour le Monitoring des Media (AWGMM). Une ONG sponsorisée par l'International Media Support (IMS), qui œuvre pour le développement des Medias dans le monde Arabe et Au Maghreb. Pour consulter le rapport : http://www.la-laddh.org/spip.php?article104. *EL Watan : Le journal francophone le plus vendu en Algérie. *L'Economiste : Quotidien marocain d'informations générales.