à quelques jours de la fin de la campagne électorale en Grande-Bretagne, le premier ministre sortant Gordon Brown perd de son assurance. Avec la perte du soutien de deux grands journaux britanniques, le Guardian et le Times, ce dernier y laissera certainement des plumes. Dans son éditorial du samedi, le Guardian a rompu avec son soutien traditionnel aux travaillistes pour appuyer les libéraux-démocrates qui ont désormais du vent dans les voiles après la bonne performance de leur chef Nick Clegg dans les débats télévisés. Cette innovation dans la plus ancienne démocratie au monde est à l'origine de ce bouleversement. L'introduction de débats télévisés dans la campagne électorale a changé les règles bien établies. L'irruption du charismatique Nick Clegg, chef de file des libéraux-démocrates, entre David Cameron jusque-là champion du «changement» conservateur et Gordon Brown, incarnation de la continuité travailliste, met fin au monopole des deux partis traditionnels. «Si le Guardian devait voter aux législatives de 2010, il donnerait sa voix avec enthousiasme aux libéraux-démocrates », lit-on dans le journal qui note que les travaillistes «ont perdu l'occasion de se renouveler», en refusant de remplacer Gordon Brown avant les élections. Le Times, de son côté, se range du côté des conservateurs menés par David Cameron. Une première pour le journal depuis 18 ans. «L'argumentaire de M. Brown pour cette élection est que les électeurs ne devraient pas risquer de mettre en danger la reprise économique en votant conservateur. Mais il ne comprend pas que la plus grande menace, c'est de continuer à faire la même chose», souligne le journal pour lequel «il est grand temps de voter conservateur.» Les conservateurs bénéficient aussi du soutien de l'hebdomadaire The Economist, qui avait soutenu les travaillistes sous Tony Blair. Les derniers ont perdu dès septembre dernier l'appui du tabloïd The Sun, le journal le plus lu du pays avec un tirage d'environ 3 millions exemplaires. Ces lâchages en série indiquent clairement que rien ne va plus dans la maison travailliste. Le sondage Harris effectué pour le compte du Daily Mail accorde aux travaillistes 24 % des intentions de vote contre 32 % pour les libéraux-démocrates, au coude-à-coude avec les conservateurs, crédités de 33 %. D'autres sondages placent toutefois les libéraux-démocrates et les travaillistes à égalité, avec un net avantage pour les conservateurs. N'empêche que, dans une interview au Guardian, Nick Clegg a affirmé que la campagne est désormais «une course à deux» entre libéraux-démocrates et conservateurs. A deux jours du scrutin, on ignore toujours qui l'emportera. Le découpage électoral favorise les travaillistes et rend pratiquement impossible une victoire en sièges des LibDems. Il est cependant très probable qu'aucune formation ne disposera d'une majorité absolue à la Chambre et qu'il faudra donc négocier pour former un gouvernement. Il se pourrait même que le Parti travailliste obtienne le plus grand nombre de sièges, tout en ayant le plus faible score en terme de suffrages populaires. Ce serait un comble pour un pays qui se présente comme un modèle de démocratie. Cela ouvrirait la voie à bien des contestations. La situation économique dans laquelle se trouve le pays n'autorise pas une telle crise de légitimité. Avec un déficit budgétaire de l'ordre de 12% du PIB, ce qui n'est pas très éloigné de celui de la Grèce, la Grande-Bretagne pourrait connaître de graves difficultés si elle ne forme pas rapidement un gouvernement stable. G. H.