L'explosion, le 20 avril dernier, d'une plate-forme pétrolière, exploitée par BP dans le golfe du Mexique, serait due à la remontée brutale d'une bulle de gaz méthane. C'est ce qu'ont affirmé des employés de la plate-forme, dans le cadre de l'enquête interne de British Petroleum, dont l'Associated Press (AP) a pu prendre connaissance le vendredi 7 mai. Selon AP, BP n'a pas commenté ces informations, mais a indiqué que l'enquête est toujours en cours. Onze employés de la plate-forme, qui s'est effondrée le 22 avril, ont été tués lors de cette explosion, laquelle a entraîné une importante marée noire, la plus spectaculaire que l'industrie pétrolière ait connue. Le document interne de BP a été commenté par Robert Bea, professeur d'ingénierie à l'Université de Californie à Berkeley et spécialiste de la sécurité des installations pétrolières, cité par AP. L'homme a en outre travaillé comme consultant pour BP dans les années 90. Le rapport, qui comporte les témoignages de ces employés, lui a été adressé par des collègues du secteur pétrolier. Ces derniers ont souhaité solliciter son avis d'expert. Le puits de pétrole, dont s'échappent actuellement quelque 800 000 litres par jour dans le golfe du Mexique, est situé à 1 500 m de profondeur. Le 20 avril, selon les témoignages, les employés de la plate-forme ont injecté puis testé un joint d'étanchéité à base de ciment au pied de la plate-forme de forage. Ils ont ensuite réduit la pression dans la colonne de forage et tenté de mettre en place un deuxième joint en ciment, sous le plancher océanique. Une réaction chimique provoquée par le ciment s'est alors produite, avec un dégagement de chaleur et la formation d'une bulle de gaz méthane. A des centaines de mètres de profondeur, la pression environnante est très forte. Du coup le gaz n'a eu aucune difficulté à remonter dans la colonne de forage où la pression est moindre. La bulle de méthane a pris de l'ampleur, s'est intensifiée et a brisé plusieurs joints de sécurité, explique Robert Bea. «Une petite bulle devient vraiment grande. Cela se transforme en canon qui vous projette le gaz au visage.» En haut, sur la plate-forme, les techniciens ont constaté que le niveau de l'eau dans la colonne de forage remontait subitement, projetée à quelque 70 m de hauteur dans l'air. Puis le gaz est remonté avant le pétrole. Selon le témoignage de l'un des employés, repris par cette agence de presse, un nuage de gaz a recouvert la plate-forme. Sous la pression, les moteurs géants entraînant les outils de forage se sont emballés et ont explosé, «mettant le feu partout». D'autres explosions ont suivi et on projeté dans tous les sens outils et équipements. Ironie du sort, ajoutent les témoignages, un groupe de dirigeants de BP se trouvaient sur la plate-forme, dont ils saluaient les conditions d'exploitation et de sécurité. Plusieurs d'entre eux ont été blessés «mais ils ont réussi à monter sur un canot de sauvetage avec l'aide d'autres techniciens» de la plate-forme. Les techniciens de BP, au bout de vingt-quatre heures de travail, avaient réussi à poser, à 1 500 mètres de profondeur, un dôme d'acier et de béton pesant 98 tonnes, conçu et réalisé en un temps record, pour ralentir la fuite du pétrole dans les eaux du golfe du Mexique. Les difficultés sont survenues une fois le couvercle installé : un important volume d'hydrate s'est formé à l'intérieur, contraignant les équipes à le retirer pour le mettre à côté de la fuite, a expliqué Doug Suttles, directeur d'exploitation du géant pétrolier britannique, lors d'une conférence de presse. «Ces cristaux se forment sous l'effet combiné de gaz et de l'eau à certaines pressions et températures. Cela va prendre probablement les deux prochains jours pour chercher des solutions à ce problème», a-t-il ajouté. L'installation de ce «couvercle» d'une centaine de tonnes est une opération ultra-complexe, sans précédent à cette profondeur. Ce dôme de confinement est considéré comme la meilleure solution à court terme pour contenir l'hémorragie de pétrole qui répand près de 800 000 litres de brut par jour dans le golfe du Mexique. 80 kilomètres au large des côtes de la Louisiane, en plein milieu de l'épaisse nappe de pétrole, une grue, installée sur une large barge, a lentement déposé cette immense cloche sur sa cible, une brèche béante dans le fond marin. Il s'agissait d'une première réussite pour British Petroleum, l'exploitant de la plate-forme Deepwater Horizon, qui a sombré il y a deux semaines et demie dans le golfe du Mexique. Y. S.