La multitude des déclarations et polémiques sur le passé historique entre l'Algérie et la France est l'expression d'un ressentiment qui ne veut toujours pas s'atténuer. Ni le temps ni les exigences de relations basées beaucoup plus sur le pragmatisme n'ont eu raison de ces rancœurs. Et cela durera tant que la France n'aura pas reconnu ses crimes coloniaux. C'est un fait. Malheureusement, même sur le plan interne, les Algériens n'ont toujours pas «soldé» leur histoire. Des dizaines d'années de règne du parti unique –donc de pensée unique et d'une version unique, souvent falsifiée, de l'histoire- et les dégâts de la décennie noire ont retardé une vraie écriture de l'histoire. Le dirigisme qui a caractérisé l'école, et tous les autres secteurs de la vie nationale d'ailleurs, a fait que les Algériens, notamment les jeunes, connaissent mal, très mal, leur histoire. D'autant plus que, à côté de l'ostracisme politique, les acteurs du mouvement national ont très peu écrit. Pis, notre histoire a été essentiellement écrite ailleurs, notamment en France. Ainsi, la sortie d'un livre, Amirouche, une vie, deux morts et un testament, écrit par Saïd Sadi, a donné lieu à une sorte de pagaille. Car, au lieu du débat attendu –et c'est l'objectif recherché par ce genre d'ouvrages quels que soient leurs auteurs et contenus- on a plutôt assisté à des échanges d'accusations. D'un côté, entre les acteurs de la guerre de libération et, de l'autre, entre l'auteur, un politique qui a totalement le droit d'écrire sur l'histoire, et certains acteurs du mouvement national. Ces derniers viennent pour l'essentiel des cadres de la révolution. Ils ont donc connu, de manière ou d'une autre, le colonel Amirouche, objet de controverse comme l'était, il y a quelques années, Abane Ramdane. Le drame dans tout cela est que ces «commérages» n'aident pas forcément à connaître la vérité. L'histoire étant faite de faits et d'événements, il ne sert à rien de l'occulter. Il n'est pas non plus dans l'intérêt du pays, et surtout des jeunes générations, de travestir les faits. Il y a eu souvent des velléités de mentir. C'est encore plus grave. La question qui mérite d'être posée est celle de savoir pourquoi un livre –salué même par ses contradicteurs- n'ouvre pas la voie à un vrai débat. N'est-il pas l'occasion d'inciter les autres personnalités (politiques comprises) à écrire et écrire encore pour nous aider à connaître notre histoire ? Il est clair qu'un peuple ne peut avancer s'il n'a pas retenu les leçons de son passé. L'histoire de l'Algérie étant riche, il est temps d'en discuter sereinement les contours et les événements. Des événements, parfois douloureux et funestes, ont émaillé la marche du peuple algérien vers son indépendance. Des hommes et des femmes ont fait l'histoire de ce pays. Comme tous les êtres humains, ils ont fait du bon et parfois du mauvais. A nous d'en débattre sans procès d'intention ni insultes inutiles. Cela ne doit pas être une honte. Cela nous aidera à mieux comprendre les événements d'aujourd'hui et mieux appréhender l'avenir. A. B.