Les 100 locaux par commune, voilà un projet qui semble appartenir désormais aux archives du passé. Une désillusion de plus pour nos jeunes qui, dès l'annonce du projet en 2003, avaient cru que leur chômage allait disparaître avec ce programme censé leur octroyer un local leur permettant de démarrer une activité professionnelle. Mais, au final, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et ce programme a connu des fortunes diverses à travers le pays. Il est à souligner que le retard qui a marqué la distribution de ces locaux est pour beaucoup dans l'échec de ce programme. Il faut savoir à ce sujet que ni les modalités d'acquisition, ni le profil du postulant et encore moins les critères exigés pour l'acquisition de ces locaux n'étaient clairement définis au début de la mise en œuvre de ce programme. Par conséquent, les walis ont dû attendre le décret exécutif 06-366 du 19 octobre 2006, portant création de comité de wilaya chargé de l'attribution des locaux commerciaux au profit des jeunes, pour procéder à leur installation officielle avec pour mission d'étudier tous les dossiers et d'établir la liste des bénéficiaires. Entre-temps, dans certaines communes où des locaux ont été réceptionnés, des listes de bénéficiaires ont été établies et affichées. Quand les listes des demandeurs dépassent de loin le nombre de locaux proposés (et c'est pratiquement le cas dans toutes les communes) et en l'absence d'arguments convaincants sur le bien-fondé des critères retenus, les milliers de demandeurs déçus n'ont d'autre recours que la protestation. On se souvient à ce propos de ce qui s'est passé à Tiaret, où l'opération de distribution de cent locaux commerciaux a tourné à l'émeute lorsque des jeunes chômeurs, mécontents des critères retenus par la commune pour leur distribution, ont tenté de se suicider en se jetant dans le vide. Dans d'autres wilayas, des bénéficiaires de ces locaux tardent toujours à se manifester. A Batna par exemple, ces locaux ne sont jusqu'à présent pas ouverts, et la raison en est inconnue. Pis, on croit savoir que quelques-uns sont saccagés, voire squattés, et les services de l'APC se trouvent à chaque fois dans l'obligation d'intervenir et de réparer les dégâts en attendant l'occupation de ces commerces par leurs propriétaires. En revanche, dans d'autres wilayas, des centaines de milliards de centimes ont été réquisitionnés pour la circonstance, et à peine 50% de ces locaux ont été effectivement achevés à ce jour. De plus, beaucoup de tares et d'incompatibilités apparaissent au grand jour, au fur et à mesure, «tellement l'improvisation et le volontarisme politicien ont primé sur une démarche réfléchie et bien étudiée», notent de nombreux citoyens. Au bout du compte, cette opération n'a pas suscité l'entrain ni l'adhésion des jeunes chômeurs, principale catégorie ciblée. Les raisons sont multiples et inextricables : des locaux souvent excentrés des agglomérations, à structures étagées du genre bazar commercial, dans la plupart des cas ne disposant ni de VRD, ni d'électricité, ni de toilettes, ni d'aménagement extérieur, encore moins de sécurité, d'entretien et de gardiennage des lieux, et ce, par manque de financement mais surtout par enchevêtrement des prérogatives et des responsabilités, sans oublier, bien sûr, l'ambiguïté quant aux modalités de mise à disposition de ces locaux à «usage professionnel et artisanal» au profit des chômeurs promoteurs éligibles, exclusivement, sur les listes des dispositifs de la CNAC, de l'ANGEM et de l'ANSEJ. Et pour ne rien arranger à ce tableau fort peu enchanteur, le projet des 100 locaux par commune bute jusqu'à aujourd'hui contre le manque d'assiettes foncières notamment dans les communes déjà saturées. Ce qui a poussé les autorités à revoir le mode des quotas prévus. Dès lors, dans certaines wilayas, les communes n'ont pas toutes eu 100 locaux chacune en raison de l'indisponibilité de terrains dans certaines, mais aussi à cause des besoins non exprimés par les APC dans d'autres, expliqueront les responsables de certaines mairies.D'autre part, des municipalités sans moyens ont été contraintes d'assurer la sécurité, l'entretien et le gardiennage des lieux, ce qui les a exposées à un véritable problème. A l'intérieur du pays, la plupart des locaux n'ont pas trouvé preneur pour des raisons d'éloignement, d'exiguïté, d'incompatibilité, de manque d'aménagement, d'insécurité et surtout de non-conformité avec les activités à caractère professionnel. «Comment pouvait-on attribuer un local au 1er ou au 2ème étage pour un artisan qui aura à déplacer des appareils et des produits lourds», s'interroge un jeune bénéficiaire de Ghardaïa, qui affirme que nombreux parmi ses collègues ont dû abandonner ou changer carrément d'activité. Mais, le plus dur demeure la situation déplorable des locaux abandonnés dans la nature, sans assainissement ni voirie. Le cas de ces locaux implantés à travers plusieurs dans le pays illustre on ne peut mieux le gâchis qui a marqué cette opération. Les lieux ont été complètement saccagés et transformés en repaires de débauche. A Alger, la situation n'est guère moins amère. Dans le but de relancer l'activité dans les communes d'Alger et dans le cadre de la politique étatique «100 locaux par commune», la wilaya d'Alger, a bel et bien attribué jusqu'ici près de 1 900 locaux commerciaux et professionnels pendant que 2 800 sont en cours de réalisation ou attendent d'être attribués à travers les 57 communes de la capitale. Au début, ce projet a connu un grand engouement à travers l'ensemble des communes de la capitale. Baraki, Kouba, Ouled Chebel, Rouiba, Birtouta, Zéralda et Tessala El Merdja, ont toutes mené à bien ce projet. Mais la désillusion fut encore plus grande car force est de constater que les bénéficiaires n'ont pas été, du moins pour la plupart d'entre eux, des jeunes nécessiteux. A ce sujet, il est utile de préciser que la commune de Belouizdad a dû reporter la distribution de ses locaux après avoir découvert sur la liste des futurs bénéficiaires des intrus n'ouvrant pas droit à ce programme, apprend-on auprès des responsables de cette localité. Pour parer à tous les détournements, d'autres communes algéroises ont procédé à la transformation de certains de leurs marchés couverts et rayons de commerce en locaux professionnels. Tel est le cas de la commune de Baraki qui a jusqu'ici réalisé 68 locaux professionnels après transformation de marchés. La commune de Staouéli a, elle aussi, fait de même et a réalisé 54 locaux professionnels au profit de ses jeunes. Une expérience à méditer, mais difficile à rééditer dans les autres communes d'Alger car la plupart d'entre elles ont eu du mal à réaliser ces locaux à cause du problème du foncier, à l'instar de Bir Mourad Raïs, Heuraoua et Khraissia qui se plaignent jusque-là d'un véritable problème du foncier qui a ralenti de nombreux projets. Finalement, comme à l'accoutumée, les jeunes Algériens finissent toujours par faire les frais des incuries de la gouvernance. Comme quoi leur galère dans leur pays s'apparente à une fatalité. A. S.