«Demandez conseil à votre pharmacien.» Une phrase qu'on voit souvent sur la notice d'un médicament pour mieux expliquer les effets de tel médicament, les heures de prise ou les dosages. Or les pharmaciens, il n'y en a pas presque pas à Souk Ahras ; certes, les pharmacies existent et elles sont nombreuses, presque à chacun coin de rue et dans tous les quartiers. Seulement lorsqu'on va acheter un médicament, demander ce fameux conseil ou s'informer sur une préparation pharmaceutique, on ne trouve pas le pharmacien. Il y a tout au plus quelques vendeurs sans aucune formation qui ont appris sur le tas les noms commerciaux des médicaments et vous les délivrent sans trop savoir ce qu'ils vendent. Ce qui est étonnant, c'est que maintenant, hormis les psychotropes, vous pouvez acheter n'importe quel médicament sans que soit exigée une ordonnance en bonne et due forme. L'essentiel est de faire une bonne recette au détriment de la santé du malade. Sur les 70 officines pharmaceutiques que compte la wilaya de Souk Ahras dont près de 50% sont implantées au chef-lieu, rares sont celles qui sont dirigées par un pharmacien diplômé et ce, malgré la réglementation très stricte qui régit ce secteur. Pour contourner la loi, on exploite la pharmacie au nom du titulaire du diplôme pour lequel on fixe un salaire mensuel et le tour est joué. Celui-ci n'est jamais à la pharmacie alors que sa présence est indispensable pour vérifier les médicaments vendus aux patients, pour s'assurer que ce sont les bons médicaments ou qu'il n'y a pas une quelconque erreur dans les dosages prescrits. Il y va de la santé des patients venus acheter ces médicaments et qui la plupart du temps sont de vieilles personnes illettrées de surcroît et qui font confiance au pharmacien parce qu'il est censé avoir les connaissances nécessaires pour les conseiller. Cette «tâche» est confiée à des vendeurs qui n'ont subi aucune formation et qui ont appris par «expérience», une expérience acquise au détriment des malades qui souffrent. Le pharmacien, lui, n'est jamais là et, en cas d'urgence, on l'appelle en catastrophe et parfois il est injoignable ou en voyage à l'étranger. Dans cette ville de l'extrême est du pays, c'est l'anarchie qui caractérise ce secteur, on ouvre des pharmacies à tout-va sans respect aucun pour les normes de l'urbanisme commercial ou les conditions fixées par le ministère de la Santé. En effet, la plupart de ces officines sont situées au chef-lieu de wilaya alors que les zones enclavées n'en disposent pas, et les habitants sont obligés de faire des kilomètres pour pouvoir acheter tel ou tel médicament. Beaucoup de ces officines ne remplissent pas les conditions, pas de laboratoire, pas de sanitaires, une superficie de moins de 580 mètres carrés et des réfrigérateurs qui fonctionnent par à-coups. Quand il y a une inspection des services de la Direction de la santé et de la population, ces faux pharmaciens le savent à l'avance et présentent le vrai pharmacien pour être en règle et le tour est joué. Et ce sont toujours les citoyens qui payent parce que les pouvoirs publics censés les protéger sont défaillants et ne s'acquittent pas de leurs devoirs.