Entretien réalisé par Karima Mokrani LA TRIBUNE : 35% de la population adulte en Algérie est hypertendue. N'est-ce pas un signe de mal-être ? Pr Mansour Brouri : L'augmentation du nombre des personnes hypertendues en Algérie est liée à plusieurs facteurs. La première cause en est que nous avons subi un bouleversement dans nos habitudes de vie. Notre alimentation a changé. Nous mangeons du gras et du sucré et cela fait grossir. Nous avons un autre facteur qui est la sédentarité. Nous ne marchons pas et nous ne faisons pas d'exercices physiques. Ça donne l'obésité et cela favorise l'apparition et le développement de cette maladie qui est l'hypertension artérielle (HTA). Il y a aussi l'hérédité et le vieillissement de la population. Et la place du stress et des mauvaises conditions de vie ? C'est justement un problème. Quand on est démuni, on prend généralement des aliments gras et sucrés. C'est cela la composante de l'alimentation du pauvre. Quelles sont les solutions à préconiser dans l'immédiat pour prévenir cette maladie ? Le ministère de la Santé a mis en place un certain nombre de dispositifs sous forme de comités médicaux pour lutter contre l'ensemble des facteurs de risques. Ces comités ont pour mission de mettre en place des programmes sérieux de prise en charge de toutes les maladies non transmissibles et aider ainsi à faire diminuer les factures des médicaments et des soins médicaux pour la personne malade et pour la Caisse de sécurité sociale. Comment appréciez-vous la prise en charge de cette maladie par nos médecins publics et privés ? Dans le monde entier, il faut savoir que l'équilibre de l'hypertension artérielle n'est pas obtenu facilement. En Algérie, une enquête menée par l'association de cardiologie a montré que seuls 23% des malades traités étaient équilibrés. Il y a des pays occidentaux qui ont des résultats encore plus faibles. C'est pour dire que ce n'est pas propre à l'Algérie. De nombreux malades sont difficiles à traiter parce qu'ils refusent leur maladie. Surtout que cette maladie est silencieuse et qu'elle ne fait pas souffrir lorsqu'elle ne se manifeste pas. Mais quand elle se développe et se complique, elle se déclare de manière brusque. Et c'est là qu'elle fait des dégâts. C'est pour cela qu'il faut la traiter en amont. La prévention est très importante. Tout cela peut se faire dans le cadre d'un programme spécial. Ce dernier doit comprendre un certain nombre de mesures qui sont très simples. Prendre une alimentation saine, réduire le gras et le sucre, réduire aussi le sel. Certains pays ont réussi à faire baisser leur chiffre d' hypertension artérielle en diminuant le sel dans leur alimentation quotidienne. Ça a donné de très bons résultats et permis de réduire de plusieurs milliards de dollars les factures de santé. C'est possible chez nous, mais à condition qu'il y ait une implication de tous les secteurs. L'éducation nationale doit jouer un grand rôle dans l'éducation sanitaire de nos enfants, leur apprendre surtout à faire des exercices physiques de manière continue. Les collectivités locales et les organismes chargés de la construction doivent s'occuper sérieusement de l'aménagement des espaces. Nous devons avoir des trottoirs assez larges, des endroits où l'on peut marcher en toute quiétude.