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«Pas de reprise sans l'application de l'article 52» Alors que Amar Tou instruit la SNTF d'engager des négociations sérieuses, les grévistes insistent :
Photo : M. Hacène Par Samir Azzoug La grève des cheminots se poursuit. Ni la décision de justice tombée mercredi dernier en faveur de la direction de la SNTF, appelant les grévistes à reprendre le travail, ni les assurances du secrétaire général de l'UGTA de prendre en charge leurs revendications n'ont apaisé les esprits surchauffés des cheminots. Réuni hier sur les quais de la gare Agha à Alger, un groupe de grévistes, très remonté, ne veut rien savoir. «La grève se poursuivra jusqu'à satisfaction de nos revendications. Que le DG de la SNTF et le secrétaire général de la Fédération nationale des cheminots signent la mise en application de l'article 52 de la convention collective [qui stipule que le salaire de base ne doit en aucun cas être inférieur au SNMG] on reprend le travail tout de suite», tranche l'un d'eux. Au septième jour du mouvement de protestation, l'une des plus importantes gares de la capitale semble figée. Mis à part les cris des protestataires, c'est le calme plat. «C'est la grève des cheminots la plus importante depuis 1962 [année de l'indépendance de l'Algérie], en termes de suivi. De l'aveu du directeur général de la SNTF, le gel des activités est total», affirme un ancien cheminot, membre de la Fédération, exhibant un document signé par le responsable et présenté au tribunal de Sidi M'hamed. La colère des grévistes et leur détermination se mesurent au nombre de décibels en hausse à chaque prise de parole. Les sentiments de colère, de frustration et d'indignation s'entremêlent. «On dit sans cesse que les chemins de fer sont un secteur stratégique. Au bout d'une semaine de paralysie totale, on n'a aucun interlocuteur en face. Aujourd'hui, tous les responsables sont au repos. Ni le DG, ni le DRH de l'entreprise, ni les membres du bureau fédéral et encore moins le ministre des Transports ne sont joignables aujourd'hui. C'est le week-end», ironisent les protestataires. «C'est du mépris», lance une voix grave. Un représentant du syndicat des cheminots de la gare Agha tente de jouer les intermédiaires et apaiser les esprits. Il propose aux travailleurs de s'arranger pour garantir un service minimum en attendant l'ouverture des négociations aujourd'hui (dimanche) avec la direction de la SNTF. Les grévistes sont unanimes à refuser la démarche. «Signer un accord de reprise ou de service minimum avec qui ? Ils [les responsables] ont tous déserté aujourd'hui. C'est du mépris. On ne reprendra pas», peste un jeune gréviste qui argumente le refus de se conformer à la décision prise à la suite des négociations menées avec le SG de l'UGTA vendredi dernier : «Assurer un service minimum de 2 trains par jour pour la banlieue d'Alger, c'est d'abord de la discrimination par rapport aux autres régions. Ensuite, deux trains pour plus de 5 000 voyageurs, c'est insensé, il va y avoir des émeutes sur les quais.» Revenant sur leurs revendications, les protestataires exigent l'application de l'article 52 de la convention collective. «La convention de branches, on n'en a cure ! L'article 52 est un acquis, ce n'est pas négociable. Et qu'ils ne nous disent pas qu'il n'y a pas d'argent», s'emporte un quinquagénaire dénonçant le recours excessif à la sous-traitance avec des entreprises privées et autres bonus «mirobolants» touchés annuellement par certains responsables. «Des marchés ont été attribués à des privés pour le transport, le lavage, le nettoyage […] Une ambulance [propriété privée] immobilisée revient à 8 500 DA par jour. Des primes de tonnages de l'ordre de centaines de milliers de dinars sont touchées annuellement par des responsables qui n'y sont pour rien dans le travail», dénonce-t-il. Un autre renchérit : «On demande l'arbitrage du président de la République. On demande un audit ministériel et que l'inspection des finances fasse son travail dans l'entreprise. Nous sommes prêts à dénoncer toutes les magouilles. Qu'on ne vienne pas aujourd'hui nous dire qu'il n'y a pas d'argent. Certains se sont enrichis grâce à notre sueur.» Le ton est donc donné. Pas de reprise ni service minimum garanti sans un accord signé par la direction concernant l'article 52. De son côté, le ministre des Transports, en marge de sa visite sur les chantiers du tramway d'Alger effectuée hier, déclarait au sujet des grévistes : «Le travail devrait reprendre immédiatement et instruction a été donnée à la SNTF d'engager des discussions sérieuses avec le syndicat pour négocier la convention de branches qui permettra d'aligner les chemins de fer sur les autres secteurs». Amar Tou a expliqué que la SNTF «n'a pas les moyens financiers nécessaires [à la revalorisation des salaires]. La masse salariale est supérieure au chiffre d'affaires, mais comme c'est un service public par excellence, il doit être traité de manière spécifique». Avant d'affirmer qu'une «solution transitoire» sera trouvée pour pallier les problèmes de trésorerie de l'entreprise. En attendant qu'un accord soit trouvé entre la direction de la SNTF et les cheminots, les pertes enregistrées par la société à cause de la grève sont considérables. Si certains syndicalistes avancent le chiffre de 1,5 million de dinars de pertes par jour, un simple calcul mathématique (le chiffre d'affaires de l'entreprise étant de 4,4 milliards de dinars), le manque à gagner se situerait à hauteur de 12 millions de dinars par jour. Quand on sait que l'augmentation globale des salaires de 16% (appliquée suivant un protocole d'accord en juillet 2009, dès le mois de septembre suivant) a eu une incidence de 50 millions de dinars par an sur la masse salariale ! En sept jours de grève, plus de 84 millions de dinars se sont envolés, une somme qui aurait assuré, à l'aise, une autre augmentation de l'ordre de 26%.