Correspondance particulière de Cannes Hakim Hadidi Deuxième film en sélection officielle au Festival de Cannes, cette année, Des hommes et des dieux, du réalisateur français Xavier Beauvois revient sur le quotidien des moines du village de Tibehirine massacré en 1996. Il réussit une œuvre magnifique qui va au-delà des religions pour parler de choix moral et de fraternité. L'aspect originel du long métrage montre, selon les avis des spécialistes, la dichotomie du sujet traité dans le film -modeste vie monacale aux prises avec une insécurité terroriste sanguinaire en Algérie-, et le fond politique sous-jacent. En effet, l'émouvante histoire des sept moines cisterciens français concourt à Cannes, après avoir eu le feu vert à la levée du secret-défense sur les documents relatifs à cette affaire. Alain Grasset du Parisien avait écrit, en décembre 2009 : «Xavier Beauvois, 42 ans, réalisateur de Nord en 1992 et du Petit lieutenant en 2005, avait tourné au Maroc, dans la région de Meknès, où il s'est préparé à tourner son nouveau long métrage.» Des hommes et des dieux est l'histoire de ces sept moines de Tibehirine (Algérie), qui furent enlevés puis assassinés, en 1996, dans leur monastère. Un massacre d'abord attribué au Groupe islamique armé (GIA), avant la remise en cause de cette version par le général français à la retraite François Buchwalter, ancien attaché militaire à Alger. Pour le réalisateur Xavier Beauvois, «c'est un sujet fort et très sensible. Quand je me suis documenté sur l'histoire de ces religieux, elle m'a particulièrement touché. Ces sept moines étaient très appréciés dans la région, où ils donnaient des cours de littérature aux enfants. Celui qui était un peu leur leader, joué par Lambert Wilson, avait jusqu'à 150 élèves. Ils étaient très respectés par toutes les autres communautés, dont les musulmans, avec lesquels ils entretenaient d'excellentes relations». Le film avait demandé, pour des raisons de sécurité, au producteur Pascal Caucheteux de tourner à Meknès, à flanc de montagne, en compagnie du réalisateur et du décorateur Michel Barthélemy. «Michel a fait un énorme boulot de reconstitution. Du clocher aux nombreux appartements des moines, en passant par un jardin où déjà 20 cm d'herbe ont poussé en quelques semaines, on s'y croirait vraiment, raconte Xavier Beauvois. Ce monastère sera le décor essentiel du film, et les extérieurs sont prometteurs avec cette belle lumière d'automne…» Par ailleurs, il aura fallu à Xavier Beauvois qu'il s'installe pendant deux mois pour des prises de vue, ne laissant rien au hasard afin, a-t-il dit, que ses «comédiens se sensibilisent à la vie monacale à l'approche du tournage. Il a demandé à Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Roschdy Zem, Jacques Herlin et Sabrina Ouazani qui rejoindront Lambert Wilson au générique, «d'effectuer un petit séjour à l'abbaye de Tamié, près d'Albertville, en Savoie. Raconter le quotidien des moines de Tibehirine, en Algérie, quelques semaines avant leur assassinat en 1996.» Le réalisateur Xavier Beauvois, a tenté avec Des hommes et des dieux l'un des paris les plus risqués de ce festival. L'un des plus réussis surtout tant ce long métrage, présenté dans la soirée de mardi dernier, en compétition officielle, va au-delà des religions pour parler de choix moral, d'hommes et de fraternité. Ce sont ces dilemmes que filme avec une rigueur pleine de grâce Xavier Beauvois, tout en offrant une plongée au cœur du quotidien de ces hommes de foi auxquels il rend le plus bel hommage. Son film, jamais mièvre, est calé sur le rythme de la vie monastique. Mais on ne s'ennuie pas une seconde ici. D'abord parce que les thèmes abordés sont universels. Ensuite parce que le réalisateur rythme l'ensemble de chants liturgiques, de vues de paysages de l'Atlas majestueux (le film a été tourné au Maroc). Et que dire de l'interprétation magistrale des comédiens emmenés par Lambert Wilson et Michael Lonsdale. «C'est un véritable chant d'amour qu'offre Beauvois. Le seul à nous avoir réellement touchés jusqu'ici avec le Beautiful d'Alejandro Gonzalez Inarritu», a écrit le quotidien français la Tribune.