De notre correspondant à Constantine A. Lemili En visionnant, il y a quelques semaines, le film annonce de Eden, le second long métrage de fiction après El Menaa de Fouzi Delmi, nous avions souligné que la dernière réalisation de celui que d'aucuns parmi les réalisateurs de la télévision régionale, non sans tartufferie pour le plébisciter, annoncent comme étant celui par qui le renouveau du cinéma viendra dans l'est du pays, ne pouvait logiquement être jugée sur pièce qu'une fois le film terminé. Eden ou… la Marionnette, titre initial, a donc été projeté au public constantinois jeudi dernier. La salle de spectacles du palais de la Culture avait difficilement contenu le public, la parfaite organisation de l'événement n'a toutefois laissé transparaître aucune gêne et les organisateurs ont très bien su gérer la manifestation qui, exceptionnellement et c' est bien rare, a sorti la ville de sa torpeur. Par comparaison à sa première réalisation, M. Delmi s'est sensiblement bonifié. Il n'a échappé à aucun de nos confrères qui avaient pour habitude de travailler avec le jeune «cinéaste» que celui-ci avait quelque peu gagné en maturité et maîtrisait mieux le sujet qu'il traitait, d'autant plus qu'il s'agissait de son scénario, de sa musique et, s'il n'était pas derrière la caméra, cela n'empêchait pas qu'il aurait énormément pesé, nous confieront quelques protagonistes, sur le tournage. Comparativement toujours à son premier film et sans doute grâce à son producteur, en l'occurrence Selim B., qui s'avère aussi maîtriser l'usage de la caméra, Eden est sur le plan de l'esthétique de meilleure facture, ce qui ne pourra pas toutefois être retenu pour l'aspect technique et de la linéarité sur le plan de la trame. Dans une sorte de «thriller» politique, Fouzi Delmi a cherché à brasser large sur plusieurs sujets simultanément, ce qui, du coup, a désarçonné le scénario et dénué le film de toute cohérence, même si le spectateur arrivait à démêler l'écheveau en ce sens que le fil d'Ariane lui était fourni à travers un grossier enchaînement des situations. Sami, avocat de son état, et héros du film, semble avoir le don d'ubiquité dans l'œuvre du cinéaste. Il est, ironie du hasard, témoin essentiel du suicide d'une fille comme il sera également celui d'un futur criminel qui n'est autre que le frère de la suicidée et dont il sera choisi par sa famille comme défenseur. Et cette histoire dans l'histoire, qui ne pèse en rien dans le scénario central, semble greffée juste comme ça par le réalisateur qui donne l'impression d'avoir été personnellement emballé par une telle digression. S'ensuivra un défilé de personnages tout aussi énigmatiques les uns que les autres et qui accrocheront le public et déclencheront souvent dans la salle une salve d'applaudissements venant marquer des scènes de violence plus suggérées que visibles, voire des rodéos autos, l'usage des armes et le recours excessif aux gros plans, un héros toujours en train de courir à perdre haleine pour tout et rien finalement. Autant de clichés empruntés aux films commerciaux asiatiques et/ou d'un ersatz de… série «B» américain. D'ailleurs, comme rien ne semble évoquer le lieu où se déroule l'histoire, le spectateur ne saura jamais quel est le pays ou la ville concernés. La ville de Constantine n'est reconnue que par l'esplanade de l'université des frères Mentouri imposée ou, suggestion erronée monumentale, en place des Martyrs et à un degré moindre par la rue Abane Ramdane ou les arcades du Coudiat. Est-ce un choix ? Ce ne serait alors qu'un trait de génie digne de David Lynch. Le film n'est à chaque fois sauvé que par la présence de Bahia Rachedi, laquelle, sans être le monstre sacré auquel il pourrait être fait allusion, interprète avec beaucoup de vista le rôle de mère du jeune avocat. Cela étant, il nous semble honnête de saluer le jeu des acteurs, lesquels auraient, sans nul doute, été plus convaincants s'il avait existé une véritable direction d'acteurs. Sans exception, tous les protagonistes au centre de l'histoire ont tiré leur épingle du jeu, mais disposent d'une «gueule» qui les ferait aller loin si tant est qu'il soit recouru à leurs services ou qu'un autre réalisateur leur fasse confiance. Rappelons que Eden est filmé sur support vidéo et est forcément destiné au circuit commercial qu'il va certainement conquérir et séduire le public qui en est la clientèle. Le succès acquis lors de la projection en est le meilleur indicateur. Un accueil qui, toutefois, devrait inciter à la réflexion ceux qui voudraient faire du cinéma d'art et qui devraient d'ores et déjà en faire leur deuil. En l'absence d'un cinéma valable, pour ne pas dire l'omniprésence d'un cinéma médiocre, le cinéphile risque d'être frappé d'extinction. Il y a eu A l'est d'eden, celui-ci est plutôt à… l'ouest.