De notre correspondant à Constantine A. Lemili En présentant au centre culturel Ibn Badis, jeudi dernier, l'avant-première de son film El Manaa, Mohamed Cherif Delmi, le scénariste, réalisateur et producteur de Meri Mark Group, aura sans doute réussi deux performances. La première : avoir fait sortir de chez eux les Constantinois d'autant plus que la présence d'un public féminin venu en nombre a constitué l'indicateur selon lequel les espaces vides peuvent être comblés. La deuxième réside dans une séquence de course-poursuite automobile qui ne peut être comparée, certes, à celle de Bullit ou French connection, mais constitue un modèle du genre dans tout ce qui a été proposé jusque-là par le cinéma ou la télévision algérienne. Le sujet abordé donne l'impression du déjà- vu, celui de l'envoûtement, de la sorcellerie, et du recours aux sortilèges et autres croyances utilisées par un cinéma algérien faisant ses premiers pas (téléfilms avec Mohamed Touri, Sid-Ali, Rouiched, etc.). Mohamed Hazourli, le téléaste de la station régionale, présent dans la salle, l'avait, au début des années 1970, remis au goût du jour avec la Clef de l'énigme. En leur temps, ces téléfilms n'étaient pas encore à l'Internet et des superproductions américaines à gros budget sur les Poltergeist. Toutefois, il ne faudrait pas dénier à El Manaa de garder intactes des chances de succès commercial s'il est sérieusement pris en charge par un distributeur -ce qui est peut-être le cas avec la maison Cadic- selon le réalisateur. Les retombées commerciales pourraient se trouver auprès d'un public peu exigeant et qui lui trouvera peut-être des qualités esthétiques à force de flash-back sur les problèmes du héros, l'incohérence prenant le pas sur une histoire difficile à suivre pour celui qui ne la prendrait pas au départ. En tout état de cause, il faudrait saluer le choix du réalisateur qui, sans bénéficier de financement, s'est lancé dans le tournage d'un film en le prenant totalement en charge sur tous les plans. Mais aussi de recourir à des inconnus pour les rôles essentiels, voire les seconds rôles. La prestation des uns et des autres était par trop théâtrale comme si ces néophytes, malheureusement, s'estimaient tenus d'imiter tous ceux qui habitent à l'heure actuelle le tube cathodique et les écrans de cinéma et qui n'ont jamais rien prouvé. Seule l'héroïne tire quelque peu son épingle du jeu. Il est également dommage que le film, tourné à Constantine, ne mette pas en valeur la ville, notamment les quartiers pour les besoins du tournage. L'abus de gros plans d'un bout à l'autre de la pellicule a relégué au second plan l'avantage que pouvait tirer le réalisateur d'immortaliser les méandres de la vieille ville, la beauté du Rhumel. Seules une ou deux séquences du pont de Sidi M'cid en ont fait l'évocation. Soulignons, enfin, que lors des journées de l'ENTV à Constantine, en mars 2008, Hamraoui Habib Chawki, alors directeur général de la télévision, avait engagé son institution à l'achat du film en disant à M. C. Delmi : «J'achète» après avoir visionné la bande-annonce d'El Manaa. Apparemment, cet engagement est resté au stade de la seule intention. Sur cet aspect de la question, le réalisateur, philosophe, a préféré ne pas chercher à comprendre les raisons d'une promesse non tenue.