Comme annoncé dans sa campagne électorale de la présidentielle de 2009, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a dégagé, lundi dernier lors de l'adoption du Conseil des ministres du programme d'investissements publics pour la période allant de 2010 à 2014, l'enveloppe allouée à la réalisation de deux millions de logements. Il s'agit, plus précisément, de la réalisation et de la livraison de 1,2 million durant le quinquennat 2009-2014, le reste devant déjà être mis en chantier avant la fin de l'année 2014. C'est un budget de plus de 3 700 milliards de dinars qui est alloué à l'habitat pour la réhabilitation du tissu urbain et la réalisation de 500 000 logements locatifs, de 500 000 autres promotionnels, de 300 000 pour la résorption de l'habitat précaire et de 700 000 logements ruraux. Un programme très ambitieux qui devra s'ajouter à celui d'un million de logements réalisés, comme l'affirme le ministre de l'Habitat, Nourredine Moussa, durant le dernier quinquennat. Mais avec certaines nouveautés, principalement l'encouragement accru décidé par l'Etat à la promotion immobilière et l'octroi d'un crédit bonifié aux citoyens. Avec ces deux mesures, l'Etat aspire à endiguer la crise du logement. Il a, rappelons-le, dans les dispositions de la loi de finances complémentaire (LFC) de 2009, annoncé la suppression des crédits à la consommation dans l'objectif de pousser les banques à s'orienter vers le crédit immobilier. Mieux, il a été décidé dans un premier temps que les fonctionnaires bénéficient d'un crédit bonifié avant que cette mesure ne soit élargie à l'ensemble des ménages. En plus de cette bonification d'intérêt à un taux de 1% ou maximum de 3%, le demandeur de crédit bénéficie d'une aide frontale du Trésor public pour l'acquisition, la construction ou encore l'extension de son logement. Ainsi, aujourd'hui, à tous les citoyens désireux d'acquérir un logement promotionnel dans le cadre des programmes réalisés par la CNEP, l'AADL ou encore un logement social participatif, il est proposé des aides publiques frontales de 700 000 ou de 400 000 DA. Il est à préciser que les banques ont adhéré, sans aucune hésitation, à la bonification du taux des crédits immobiliers, comme l'a affirmé la semaine dernière M. Abderrahmane Benkhalfa, délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF). Le porte-parole des banques en Algérie a annoncé que près de 600 agences bancaires ont commencé d'ores et déjà à commercialiser ce nouveau produit sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, tout citoyen désireux de postuler à ce crédit pour profiter de la bonification du taux d'intérêt peut dès maintenant s'adresser aux banques publiques traditionnelles ou aux banques étrangères qui officient sur le marché national depuis quelques années déjà. Il lui suffit simplement d'y être domicilié. En plus de ces aides à l'adresse des citoyens, l'Etat a pris des mesures d'incitation à l'intention des promoteurs intervenant dans le cadre des programmes appuyés par l'Etat (CNEP, AADL, LSP). En matière d'accès aux assiettes foncières, les programmes CNEP-IMMO vont bénéficier d'abattements sur les terrains d'assiette de 80% pour les wilayas d'Alger, Annaba, Constantine et Oran ; de 95% au niveau des wilayas des Hauts Plateaux et du Sud et de 90% dans les autres wilayas du pays. Seuls les programmes de l'AADL conservent la gratuité de l'accès aux assiettes foncières. En matière de crédit, l'ensemble des promoteurs locaux obtiennent une bonification sur le coût du crédit et n'auront à leur charge que 4% du taux d'intérêt. A cela s'ajoutent les nouvelles mesures fiscales incitatives où les promoteurs qui s'engagent à réaliser des logements, dans les délais fixés, avec un coût de moins de 30 000 DA le mètre carré bénéficieront d'une exonération de l'impôt sur le revenu global (IRG) et de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS). Mais malgré toutes ces facilitations, restera à savoir si l'Etat devra recourir aux entreprises étrangères pour réaliser ce mégaprojet de deux millions de logements. Car il faut rappeler que beaucoup de difficultés ont été rencontrées par les entreprises nationales lors de la réalisation du million de logements du dernier quinquennat. L'Etat a été, à maintes fois, obligé de reprendre des chantiers pour les confier aux entreprises chinoises. Le ministre de l'Habitat lui-même avait affiché d'ailleurs sa «défiance» à l'égard des entreprises nationales en déclarant lors de son passage au forum de l'ENTV : «Nos entreprises de BTPH sont loin de répondre aux normes universellement admises» et «ne sont pas en mesure de répondre à la gamme qu'offrent nos programmes». A vrai dire, il existe en Algérie de très nombreuses entreprises privées du bâtiment. Mais la plupart sont de trop petite taille pour participer aux appels d'offres, et la main-d'œuvre y est peu qualifiée alors même que le haut risque sismique nécessite la maîtrise de techniques avancées de construction et de maçonnerie. La réalisation de deux millions de logements risque de buter également sur le manque des matériaux de construction et des fournitures qui a souvent été constaté. Là aussi, le rôle de l'Etat est primordial surtout si on précise que la production locale ne satisfait pas aux besoins. Une dernière embûche à prendre en considération : les listes des bénéficiaires du logement social et des aides frontales de l'Etat. La confection d'un fichier national des bénéficiaires de logements et des aides de l'Etat s'annonce donc plus que nécessaire afin de purger les prochaines listes des rentiers qui, durant des décennies, ont empêché le citoyen honnête de vivre dignement. Si toutes ces entraves sont levées, il y aurait beaucoup de chances que le pays ne vive plus une crise du logement. H. Y.