Le Théâtre régional de Tizi Ouzou est entré dans la compétition du Festival national du théâtre professionnel (FNTP) d'Alger avec la représentation de Si Partuf, mise en scène par Ahmed Khoudi d'après l'adaptation de Muhend U Yehia, alias Mohya, du Tartuffe de Molière. La pièce est une satire sociale transposée de l'œuvre originale de Molière sur la société algérienne et qui met sur le devant de la scène l'hypocrisie des faux dévots et l'instrumentalisation de la religion, avec en toile de fond la thématique des mariages forcés. Si Partuf, alias Tartuffe, a été talentueusement incarné par Omar Zouidi qui maîtrisait son personnage aux multiples visages. Aux côtés de cet acteur chevronné, on retrouve Soraya Bessadi dans le rôle de Koukha, la moins expérimentée Kahina Hadjaja dans le rôle de Tapitit, Hocine Aït Guenisaid dans le rôle de Hadj Ptiti, Boualem Makour dans le rôle de tonton Akli et Brahim Hakim dans le rôle de Zaaror. La pièce a également permis la découverte de nouveaux visages, à l'instar de Soraya Aït Abderrahmane, de Djamila Bouanem, de Hocine Bouzidi et de Hamid Mouzarine. Ahmed Khoudi, qui avait excellé par le passé dans des œuvres exceptionnelles à l'exemple de la Maison de Bernarda Alba qui lui avait valu le prix de la mise en scène du FNTP en 2007, déçoit encore cette année les amateurs du 4ème art avec une mise en scène sans consistance. Un échec qui s'était amorcé dès l'année dernière avec sa mise en scène d'Essadma de Yasmina Khadra qu'il a présenté au festival sous la houlette du Théâtre régional d'Oran. Au-delà de sa préférence pour une mise en scène classique, ce qui dessert Khoudi, c'est sa vision obtuse de la conception scénique et son enlisement dans des critères qui cassent la magie du texte. Ainsi, dans Si Partouf, même si la mise en place scénique se voulait rationnelle, elle n'avait pas lieu d'être dans un espace clos basé sur les trois unités de temps, de lieu et d'action. En voulant jouer sur les perspectives et l'équilibre scénique, il est tombé dans l'excès, poussant à la caricature une des bases du théâtre. Certes, les ouvertures des fenêtres et des portes tentaient de créer un mouvement dans la pièce, mais cela se transformait en pathétique courant d'air. Par ailleurs, concernant la direction des comédiens, même si la différence d'expérience était perceptible, et que l'initiative de donner leur chance à de nouveaux visages était louable, le metteur en scène a péché par excès, en poussant à l'extrême les réflexes de l'expression corporelle et les techniques vocales jusqu'au grotesque, desservant encore une fois les mécanismes humoristiques qu'ils étaient censés créer. A titre d'exemple, Soraya Bessadi qui sur-jouait son personnage et dont les mouvements des mains censés apporter une touche humoristique ne faisaient que brasser du vent jusqu'à l'exaspération. De même, pour la maîtrise vocale, les trois quarts des comédiens n'avaient pas de technique vocale, au lieu d'une voix qui porte, cela se transformait en cri rauque dont la diction malmenait la langue amazighe. Celui qui a dirigé les comédiens a confondu rythme et précipitation, causant une véritable cacophonie. Notons aussi l'absence d'une véritable scénographie au service de l'atmosphère scénique de la pièce. Ahmed Khoudi qui a opté pour un dispositif scénique tel qu'il est souligné sur la fiche de la pièce, a choisi les couleurs blafardes d'un gris moucheté, avec un clin d'œil à la manipulation de la religion, grâce à la seule touche de couleur : un poster d'une petite fille qui prie, drapée d'un voile blanc sur un fond de ciel bleu. Certes, l'allusion est astucieuse, mais sincèrement, c'est un mécanisme désuet qui sonne comme une fausse note. De même, notons l'absence totale de l'utilisation de la lumière et d'un fond sonore, pourtant élément essentiel permettant de faire la différence entre un simple sketch d'amateur et une véritable pièce tragi-comique professionnelle. Au final, encore une fois cette année, après la fâcheuse instrumentalisation de Kateb Yacine par le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, le TRT instrumentalise à son tour le nom d'un grand dramaturge algérien disparu, pour présenter une œuvre indigne de lui. C'est un véritable camouflet à la mémoire de Mohya, qui n'a jamais cessé d'écrire et d'adapter dans le seul but d'enrichir la culture amazighe. S. A.